Défense de la réputation des fonctionnaires

Distincte de la notoriété, la réputation. Une personne peut être connue mais non reconnue comme inspirant l’estime ou la confiance.

Risque inhérent à l’action publique, la réputation des fonctionnaires publics – comme celle des élus locaux – peut être menacée par des opinions défavorables. D’où la nécessité d’identifier et comprendre les attitudes à risque ainsi que les mécanismes de protection de nature à les déjouer. Ces phénomènes  s’amplifient du fait des usages numériques.

À l’heure où une proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux, est examinée par le Parlement (elle prévoit notamment de renforcer les sanctions contre les auteurs de violences contre les élus), la protection de la réputation des acteurs publics locaux mérite d’être abordée dans sa globalité.

Le terme de « réputation » est employé pour désigner l’« image » dune personne auprès dun public donné. Cette image, perçue par des tiers, peut être analysée comme le produit de représentations mentales, cognitives et affectives, de projections imaginaires ou rationnelles et dappréciations fondées ou déformées, conformes ou non à limage voulue par la personne elle-même.

La notion de réputation est distincte de celle de notoriété dune personnalité. Une personne peut être connue mais non reconnue comme inspirant lestime. La célébrité ne saccompagne pas toujours de considération.

Une réputation positive se construit lentement. Elle est le fruit dun travail de fond, dune volonté persévérante, dune expérience, dun savoir-faire, dun climat de confiance, de relations de qualité avec des parties prenantes. Elle constitue un « capital » stratégique, source de dynamisme, levier de progrès. Cette réputation peut cependant être anéantie, en un instant, sous leffet d’une volonté de nuire, de situations mal gérées ou de comportements à risques.

La thématique de la protection de la réputation concerne les situations à risque, celles de « mise en situation » générant une exposition, directe ou indirecte, auprès dun public donné dont lappréciation importe pour divers motifs, commerciaux, politiques ou autres.

Nous nous centrerons sur les risques dopinions défavorables touchant les fonctionnaires territoriaux (celle des élus figure dans la thématique 3, sous thématique 3.3, page 2 du présent site). Nous mettrons en évidence les attitudes ou les mécanismes de protection de nature à les déjouer.

La réputation comme risque inhérent à laction publique

La notion de « risque de réputation » a émergé dans les années soixante, mais il faudra attendre les années quatre-vingt-dix pour quelle soit étudiée . Nous reprendrons ce concept en le transposant dans le champ de laction publique, où la réputation tient une place prépondérante.

En effet, les acteurs politiques ou fonctionnaires ont, du fait de leurs fonctions respectives, de multiples relations publiques avec des cercles de citoyens, électeurs, usagers et parties prenantes de la vie politique, économique ou sociale.

Ce jeu relationnel complexe, caractéristique de toute action publique, multiplie les phénomènes dexposition, visibilité et vulnérabilité. Il peut alimente des luttes de position, des phénomènes de concurrence et des jeux de rivalités . Il peut opérer une distorsion entre le « moi » et limage du « moi » dans les yeux dautrui et creuser un fossé entre la réputation dune personnalité et la réalité de son action. Il peut accroître les risques datteintes à lhonneur et à la considération.

La diversité des collectivités territoriales et de leurs groupements, la multiplicité des élus locaux et mandats, la diversité des métiers et des fonctions territoriales rendent les risques de réputation comme un sujet sensible dans la gestion publique locale.

Les collectivités disposent de collaborateurs dont le nombre total s’élève à 1,894 million répartis dans 233 métiers territoriaux. Ces effectifs sont composés de : 74,5 % de titulaires, 19,2 % de non titulaires, apprentis et collaborateurs de cabinets, 2,6 % d’assistants maternels et familiaux, 3,7 % d’emplois aidés. Ces effectifs sont répartis entre les différentes catégories de collectivités territoriales, soit, principalement, 1,153 million sont dans des organismes communaux, 288 000 dans des établissements intercommunaux, 358 000 dans des organismes départementaux et 82 000 dans les régions. Dans les communes et intercommunalités de plus de 40 000 habitants mais aussi départements et régions, 8 260 emplois de direction sont déclarés dont 2 515 emplois fonctionnels – majoritairement des postes de directeurs généraux adjoints (67,2 %) – et 5 745 autres emplois de direction – majoritairement des postes de directeurs (48,2 %) et dencadrement intermédiaire (33 %) .

Un élu local, surtout sil dispose dune délégation de fonction , joue un rôle public à l’échelle du territoire dans lequel il exerce son mandat électif. Cest aussi le cas aussi pour un fonctionnaire territorial, tout particulièrement pour un directeur général de collectivité, un directeur de cabinet dexécutif local ou un agent disposant de responsabilités en relation avec la population.

Plus particulièrement, au sein des organisations publiques locales, certains élus exercent des délégations de fonction tandis que des cadres de direction disposent de délégations de responsabilité. Le niveau de confiance que ces acteurs publics suscitent auprès de la population est essentiel ; la qualité de leur réputation est lun des principaux facteurs qui légitime leurs interventions.

Ce constat est dautant plus vrai que le nombre croissant dinformations publiées sur internet ou les réseaux sociaux augmente les risques encourus de mise en cause de la réputation. La pression sociale invite à communiquer davantage. Les risques croissent dautant.

Les risques accrus par les usages numériques

Les outils dinternet et des réseaux sociaux transforment en profondeur les relations sociales. Les risques et chances propres à la réputation en sont modifiés.

Notamment, la multiplicité des canaux de diffusion, décloisonne les personnalités et leurs publics et, par conséquent, peut mettre en jeu la cohérence de l’émetteur. Les risques de fragmentation des discours, de distorsion des positions et de déformation des propos sont importants.

Les propos sur la toile se diffusent rapidement. Ils peuvent être amplifiés. Ils sont parfois malveillants. Ceci sexplique par le fait que, sur les réseaux sociaux, les émetteurs sont désinhibés, doù, souvent, des confrontations verbales, lexpression dargumentations bancales, la manifestation dopinions radicales et des réactions affectives sommaires (« jaime » ou « je naime pas »). Plus précisément, les médias sociaux peuvent colporter des pages diffamatoires à l’égard de maires ou demployés municipaux. Des policiers municipaux peuvent être la cible dinsultes et dattaques. Un élu en campagne peut être victime dun vol didentité avec un faux compte à son nom lui attribuant de fausses déclarations. Ces phénomènes propres à le-communication imposent donc une attitude de prudence et une maîtrise de son image.

Le-réputation peut être définie comme le fait, pour une personne physique ou morale, d’être honorablement ou défavorablement connue en considérant les informations diffusée en ligne, par des moteurs de recherche, des blogs, les réseaux sociaux ou les sites participatifs. 

Il ne faut cependant pas seulement voir dans le-réputation des risques : lusage de la toile permet aussi de nouer des relations diversifiées et enrichissantes, dacquérir une identité forte et cohérente, dadopter une posture maîtrisée et équilibrée. Au total, les réseaux sociaux peuvent contribuer à renforcer positivement une réputation, en créant et recréant de lattachement, de la présence, de linformation et au final de lengagement.

En ce domaine, il convient de bien rechercher le point d’équilibre entre deux impératifs : la liberté́ dexpression, consacrée par larticle 11 de la Déclaration des droits de lHomme et du Citoyen et la nécessaire répression des abus commis dans le cadre de cette expression, cest-à-dire le droit à un recours effectif et la protection des droits des personnes victimes dactes fautifs.

Les sources du droit de la réputation

La problématique de la réputation est complexe. Elle repose sur une multitude de dispositions tirées, principalement, des dispositifs législatifs suivants :

Atteintes à la vie privée

Code civil, article 9

Liberté de la presse écrite et en ligne

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse 

Protection des données à caractère personnel

Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés 

Communication audiovisuelle

Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle

Communication en ligne

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

A travers la découverte de ces dispositions juridiques ayant fait lobjet de nombreuses modifications au fil des années, la question centrale traitée dans cet ouvrage sera celle de la protection de la dignité des fonctions publiques et de l’honneur des personnes dépositaires de missions de service public.

Cette question est sensible car, dans la République, le contrat social repose sur le niveau de confiance accordé aux représentants élus et aux agents auxquels est confié lexercice dune fonction publique. Toute atteinte à la réputation de ces acteurs détériore ce niveau de confiance.

En effet, le citoyen, sujet fréquemment averti et vigilant, capable le plus souvent de décrypter les tentatives dinfluence ou de manipulation – est souvent méfiant et défiant, ce qui le conduit parfois à une posture critique . Cette attitude induit un besoin de cohérence et une demande de preuves, donc une attitude exigeante à l’égard des responsables politiques.

Dans la société française, il est observé un niveau élevé de défiance à l’égard des autorités en général. La vague de janvier 2018 du baromètre de la confiance politique des français par le CEVIPOF (centre de recherches politiques de Sciences Po) fait apparaître plusieurs caractéristiques concernant la perception par les citoyens des acteurs des institutions de la République :

      • le conseil municipal inspire confiance (« très confiance »  et « plutôt confiance ») à 53% des sondés (66% en 2009) ;
      • le conseil départemental bénéficie de 43% dopinions de confiance (58% en 2009) ;
      • le conseil régional recueille 41% de confiance (58% en 2009) ;
      • lAssemblée nationale obtient 29% davis de confiance et le Sénat 29% (38 % en 2009 et 38 % en 2013).

Le même baromètre indique que :

      • 89% des sondés considèrent que les responsables politiques ne prennent pas en compte leur avis (81% en 2009) ;
      • 70% estiment que la démocratie en France ne fonctionne pas très bien (48% en 2009) ;
      • seuls 11% des français font confiance dans les partis politiques (14% en 2009) ;
      • la politique suscite de la méfiance à 40% des sondés (39% en 2009), du dégoût à 28% (23% en 2009) et du respect à  2% (idem en 2009) ;
      • 67% des français estiment que la plupart des responsables politiques ne se soucient que des riches et des puissants.

La première et la seconde des qualités attendues des responsables politiques est :

      • leur honnêteté, à 58% ;
      • leur aptitude à tenir leur promesse, à 40% ;
      • leur capacité à être à la hauteur de leurs fonctions, à 37%.

Un ouvrage de référence pour maîtriser les risques de mise en cause de la réputation

 

 

Destiné aux citoyens, élus locaux, agents publics territoriaux, acteurs des médias, un ouvrage évoque selon une approche juridique et pratique, les risques auxquels sont soumis les acteurs publics des institutions territoriales – élus ou agents – victimes dactes de diffamation, dinjures ou doutrages ou accusés davoir proféré de tels propos.

          • dans une première partie : les atteintes à la réputation des élus locaux et agents territoriaux ;
          • dans une seconde partie : les dispositifs de protection des élus locaux et agents territoriaux.

A travers cet ouvrage, les différentes formes de mises en cause à la réputation (y compris le-réputation) seront décrites et illustrées à partir des dispositifs existants et de la jurisprudence, essentiellement pénale. Cet ouvrage nest toutefois pas un simple panorama. Il offre également une approche pratique et livre des conseils quant aux attitudes à tenir et aux points de vigilance dans lexercice dun mandat électif ou dune fonction publique, y compris sur internet et les réseaux sociaux. Il constitue donc un guide opérationnel pour les collectivités, les élus locaux et les agents territoriaux.