Démarches de réformes et risques de compromission des objectifs visés

Pour servir le Bien commun, et créer une dynamique d’action publique de qualité, il est essentiel d’affirmer une conception exigeante du service public, de discerner le sens de l’action publique, de forger une conception équilibrée de la gouvernance publique, de cultiver les compétences individuelles et collectives utiles à l’exercice des missions de service public. Ces sources de qualité se concrétisent dans des démarches aux approches diversifiées.

La qualité des démarches menées est déterminante.

Démarches de certification propres aux services publics locaux

Les « démarches de certification de l’action publique ont pris ces trente dernières années des formes variées : cercles de qualité, engagements de service, chartes qualité, certifications, programmes damélioration des performances, cadre dauto-évaluation des fonctions publiques…. Elles occupent une place dans les politiques de modernisation des services publics locaux.

Les théories d’Edwards Deming, développées à partir du début des années 1940, ont mis l’accent sur les défaillances dorganisation comme facteur explicatif des défauts dans le travail de production. La démarche damélioration de la qualité, dont il établit alors les principes, ne peut réussir sans lengagement des dirigeants au plus haut niveau. Elles inspirent la série de normes internationales de management de la qualité ISO 9001 :

    • l’orientation client ; lengagement de la direction est nécessaire ;
    • l’environnement interne favorable à limplication des personnels ;
    • le management des processus qui permet didentifier, de maîtriser et daméliorer les processus de réalisation des produits/services attendus ;
    • la mesure des résultats au travers dindicateurs construits du point de vue des bénéficiaires ;
    • lamélioration continue de ces résultats, notamment par la suppression des causes de non-conformité (de dysfonctionnements) à tous les niveaux.

Les services publics locaux sont passés, depuis le début de la décentralisation, de quelques expériences sporadiques damélioration de laccueil ou de mise en place de cercles de qualité à une diffusion massive de démarches qualité ou doutils qualité dans les services publics :

  • les démarches de certification ou daccréditation qui sont adaptées aux secteurs où les enjeux de sécurité et de fiabilité sont importants (accueil, publics fragiles…), principalement avec Qualiville ;
  • les chartes avec des engagements concernant laccueil du public (telle la charte Marianne) ;
  • le cadre d’évaluation des fonctions publiques (CAF) dont les indicateurs ont inspiré les indicateurs de « qualité de service » de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en vigueur depuis 2002.

Ces démarches de certification font l’objet de critiques :

  • certaines d’entre elles identifient les démarches qualité aux approches néo-managériales  et, partant, aux théories néolibérales qui sintéressent prioritairement à lefficience de leur organisation en négligeant la réponse aux grands besoins de la société. Or, dans les démarches qualité, lamélioration de lefficience va le plus souvent de pair avec la satisfaction des besoins : la réduction des dysfonctionnements du service public profite aussi bien aux bénéficiaires de laction publique qu’à lefficience du service par la réduction des coûts inutiles ;
  • d’autres critiques mentionnent la baisse de moral des fonctionnaires comme conséquence de certaines pratiques de modernisation. De fait, si la recherche de la motivation des personnels nest pas une donnée dentrée de la conception des politiques-qualité, il est peu probable quelle devienne un des résultats atteints. Or, l’expérience enseigne qu’une réforme emportée par un collectif, dirigée de manière ouverte et pragmatique, va plus loin qu’une réforme décrétée et calibrée par avance ;
  • une autre critique concerne lincompatibilité observée entre la qualité dans les politiques publiques et la recherche de performance. En effet, dans la pratique, le jeu des acteurs peut conduire à sacrifier lanalyse des impacts d’une politique au profit de ce qui paraît le plus facilement mesurable, mais reste souvent réducteur : les indicateurs de performance. Des dérives dans la conception ou lusage des indicateurs contribuent à éloigner la culture de performance de la déontologie du fonctionnaire ;
  • des critiques sattachent à lusage du terme « client » sagissant du service public. Ce terme, renvoyant à lunivers du profit, suscite de vives oppositions dans le service public car la relation du service public à l’usager est par nature déséquilibrée en défaveur de ce dernier. Or, précisément, les engagements unilatéraux pris par les services publics (chartes, engagements de service) ont pour effet de rééquilibrer cette relation. De plus, il est relevé le caractère mono-dimensionnel du mot « client » tel quil serait compris dans les services publics, et notamment par la LOLF. Celui-ci devrait être enrichi par la notion de parties prenantes plus adaptées en l’espèce.

La plupart de ces critiques des démarches qualité dans le secteur public – à lexception de celle qui porte sur l’idéologie du néo-libéralisme – peuvent rester compatibles avec les finalités du service public, sous réserve de les adapter à ses spécificités et de respecter certaines précautions dusage des outils utilisés et de la terminologie usitée.

Qualité des démarches d’action publique locale

Michel Crozier relève que « la qualité n’est pas un outil qui peut vivre seul, choisi au hasard dans la palette des outils managériaux. Car les outils ont besoin d’un sens, le sens que l’on veut donner à son action. L’action la plus modeste a besoin d’un horizon » .

En effet, avant d’être un problème de méthode, d’outils et de techniques, la recherche de la qualité dans l’action publique est un problème de finalités, de sens, de gouvernance et de compétences.

Autrement dit, les acteurs publics ont besoin de connaître les caps vers lesquels il leur est demandé de se diriger ; le trajet doit être connu par chacun ; les démarches méritent d’être comprises par tous, les feuilles de route ont besoin d’être stables dans la durée.

Les méthodes de participation des citoyens ont une importance particulière pour garantir la qualité des démarches d’action publique locale. Les méthodes peuvent, par exemple, permettre de discerner les conditions dans lesquelles les services au public peuvent garantir la satisfaction des usagers. La qualité de cette relation peut être recherchée en examinant les modalités de concrétisation des principes opérationnels suivants :

  • faciliter la relation à l’usager : placer l’usager au centre de la relation ; être en mesure de répondre à ses attentes ; apporter une réponse rapide ; faciliter les interactions tout au long de son parcours. Plusieurs services numériques offrent des pratiques allant en ce sens : services en ligne, applications mobiles, réseaux sociaux ;
  • piloter la relation à l’usager : mesurer le niveau de qualité du service rendu ; inscrire son organisation dans une démarche d’amélioration continue, les agents étant eux-mêmes acteurs de ces processus ;
  • renforcer le lien avec l’usager par de nouveaux modes de fonctionnement qui permettent d’accompagner plus fortement les publics fragiles ou spécifiques : proactivité, confiance, simplification du langage, personnalisation de la relation… ;
  • donner la parole aux usagers et les écouter : enquêtes de satisfaction ; gestion des réclamations ; démarches de co-construction associant les usagers pour définir la meilleure réponse à leurs attentes ;
  • renforcer la collaboration entre agents : démarches permettant d’exprimer la créativité des agents en matière d’innovation ; dispositifs favorisant le management de proximité, mise à disposition de réseaux sociaux professionnels ; mise en place de démarches de co-construction avec les agents.