Les normes de comportement que les élus doivent adopter dans l’exercice de leurs fonctions sont formalisées sous la forme d’une charte de l’élu local fixée par le législateur. Ce document récapitule les principes fondamentaux (obligations d’impartialité, de diligence, dignité, probité et intégrité) et prescrit des règles de comportement dans certaines situations problématiques, comme par exemple en cas de conflit d’intérêts.
À ces principes s’ajoutent des interdictions d’atteintes à l’administration publique et à la confiance publique, ou de fautes non intentionnelles commises dans l’exercice d’une mission de service public.
Des infractions financières sont contrôlées par les juridictions financières qui, par ailleurs, émettent des observations publiques mettant en cause la régularité, l’équilibre et la transparence de la gestion des collectivités territoriales.
Des obligations doivent aussi être respectées concernant la communication des collectivités territoriales et des candidats en période électorale ainsi que pour le financement des campagnes électorales.
L’ensemble de ces normes, interdictions et obligations constituent autant de sources de la déontologie des élus locaux, en général, et des exécutifs territoriaux, en particulier.
Le terme « déontologie » a été introduit par Jeremy Bentham, dans un ouvrage publié en 1834. Il combine les mots grecs : deon (ce qui est convenable) et logos (science ou discours) qui, littéralement, fixe les normes d’un comportement responsable.
Dans le champ de l’action publique, la déontologie désigne les principes obligatoires qui guident les acteurs publics (les élus tout comme les fonctionnaires) dans l’exercice de leurs responsabilités, c’est-à-dire, leurs mandats ou leurs activités professionnelles.
La déontologie se distingue de l’éthique, cette dernière étant une notion plus générale, fondée sur des convictions personnelles quant à la juste manière de vivre, et sur des actes inspirés par une certaine conception de la sagesse humaine .
Le risque déontologique émerge lorsque les actes d’un acteur public contreviennent aux principes obligatoires et menacent la réputation de son institution et/ou de sa propre personne avec des conséquences possibles en matière disciplinaire, pénale ou financière.
Pour prévenir ces risques, il est crucial d’identifier clairement les principes déontologiques en jeu et comprendre les infractions potentielles.
Les normes de comportement que les élus doivent adopter dans l’exercice de leurs fonctions – et que les citoyens sont en droit d’attendre de la part de leurs représentants – sont formalisées sous la forme d’une charte de l’élu local fixée par le législateur . Ce document récapitule les principes fondamentaux (obligations d’impartialité, de diligence, dignité, probité et intégrité) et prescrit des règles de comportement dans certaines situations problématiques, comme par exemple en cas de conflit d’intérêts.
Lors de la première réunion de chaque assemblée territoriale, immédiatement après l’élection de l’exécutif, le président ou le maire donnent lecture de cette charte de l’élu local.
L’exemplarité | L’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité. |
La poursuite du seul intérêt général | Dans l’exercice de son mandat, l’élu local poursuit le seul intérêt général, à l’exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier. |
La prévention des conflits d’intérêts | L’élu local veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. Lorsque ses intérêts personnels sont en cause dans les affaires soumises à l’organe délibérant dont il est membre, l’élu local s’engage à les faire connaître avant le débat et le vote. |
L’absence de détournement de biens publics | L’élu local s’engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l’exercice de son mandat ou de ses fonctions à d’autres fins. |
Le désintéressement | Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu local s’abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel ou professionnel futur après la cessation de son mandat et de ses fonctions. |
L’assiduité | L’élu local participe avec assiduité aux réunions de l’organe délibérant et des instances au sein desquelles il a été désigné. |
De plus, certaines catégories d’élus locaux sont tenues de souscrire une déclaration d’intérêts et d’activités ainsi qu’une déclaration de patrimoine, tout comme d’autres catégories de responsables publics et les parlementaires.
Le non-respect de ces obligations peut donner lieu à des suites d’ordre disciplinaires si celles-ci sont prévues dans le règlement intérieur de l’assemblée. En cas de situations présumées constitutives d’infraction ou de délit, un signalement peut être fait au titre de l’article 40 du code de procédures pénales qui peut déboucher sur des poursuites du Parquet contre l’auteur des manquements.
Un certain nombre de responsabilités pénales pèsent sur tout élu local ou fonctionnaire territorial en tant que personne physique, ainsi que sur toute collectivité territoriale en tant que personne morale, tirées d’infractions pénales particulières à l’administration publique.
Les risques de mise en cause de la responsabilité pénale des fonctionnaires territoriaux obéissent aux principes du droit pénal et plus particulièrement les suivants :
Les atteintes à l’administration publique et à la confiance publique commises par des personnes exerçant une fonction publique englobent les champs suivants :
Les interdictions pénales pour les élus et les agents locaux |
Les atteintes à la confiance publique : faux et usages de faux |
Les atteintes à l’administration publique : abus d’autorité dirigés contre l’administration ; abus d’autorité dirigés contre les particuliers ; manquements aux devoirs de probité |
Les atteintes involontaires à la vie de la personne, mise en danger et non assistance à personne en danger : homicide involontaire ; atteintes involontaires à l’intégrité de la personne ; mise en danger d’autrui ; Délaissement d’une personne hors d’état de se protéger ; entrave aux mesures d’assistance et omission de porter secours ; non-assistance à personne en péril et secret professionnel |
Les conflits d’intérêts et la prise illégale d’intérêts |
Les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques |
Le recel d’abus de bien social |
De plus, des responsabilités pénales et des devoirs tirés de chartes particulières sont à prendre en compte pour les collectivités territoriales qui gèrent des établissements sociaux et médico-sociaux :
L’atteinte au secret professionnel | Article 26 de la loi du 13 juillet 1983 Article 226-13 du code pénal |
Le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger | Articles 223-3, 223-4, 227-1 et 227-2 du code pénal |
La non assistance à personne en péril | Article 223-6 du code pénal |
Charte des droits et libertés de la personne accueillie | article L. 311-4 du Code de l’action sociale et des familles |
Charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante | Élaborée en 1987 et actualisée en 2007 par la Fondation nationale de gérontologie et le ministère des Affaires sociales, la charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante a pour objectif de reconnaître la dignité des personnes âgées en perte d’autonomie et à préserver leurs droits. |
Le fondement de la faute non intentionnelle réside dans le principe de droit pénal selon lequel il n’y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit et dans certaines situations, le délit peut être constitué en l’absence de faute intentionnelle :
Dans ces cas, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont soit :
Le Code pénal pose toutefois le principe selon lequel il n’y a pas de contravention en cas de force majeure.
Les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public peuvent être condamnés pour des fautes non intentionnelles commises dans l’exercice de leurs fonctions, s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie.
Ce principe est étendu aux élus. Les atteintes involontaires à la vie donnent lieu à des sanctions distinctes selon le rôle de leurs auteurs, direct ou indirect dans le dommage.
Ils seront condamnés si le juge estime qu’ils ont commis une faute d’imprudence ou de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements. En ce cas, le juge examine la nature des missions, des fonctions, des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits pour apprécier s’il a accompli les diligences normales, c’est-à-dire s’il a pris les mesures que ces fonctions, compétences et pouvoirs lui commandaient de prendre, notamment en matière de sécurité.
Ceux qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter (par exemple, le maire de la commune ou le directeur général des services), seront condamnés s’il est établi qu’ils ont soit :
Par ailleurs, le juge peut, dans ces situations, déclarer civilement responsable l’auteur indirect, sans le condamner pénalement, et donc permettre que la victime soit indemnisée.
Ces principes s’appliquent pour les infractions suivantes : l’homicide involontaire, les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, la mise en danger d’autrui, le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger, l’entrave aux mesures d’assistance, l’omission de porter secours.
Homicide involontaire | Le fait de causer la mort d’autrui, dans les conditions et selon les distinctions propres aux fautes non intentionnelles, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. |
Atteintes involontaires à l’intégrité de la personne | Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions propres aux fautes non intentionnelles, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois. |
Mise en danger d’autrui | Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. |
Délaissement d’une personne hors d’état de se protéger | Actes de délaissement en un lieu quelconque d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou mental. |
Entrave aux mesures d’assistance et omission de porter secours | Diverses formes d’entrave aux mesures d’assistance et d’omission de porter secours sont sanctionnées :
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement pour ce type de délit d’entrave aux mesures d’assistance et d’omission de porter secours. |
L’examen de gestion réalisé par les CRTC peut détecter d’éventuels risques de gestion dans les collectivités territoriales. Par ailleurs, les ordonnateurs portent une responsabilité financière susceptible d’entraîner diverses infractions, telles que définies par le code des juridictions financières.
Les chambres régionales des comptes (CRC), à travers l’examen de la gestion des collectivités territoriales, garantissent le respect des principes fondamentaux de l’action publique . Elles évaluent les modalités d’exercice des responsabilités des collectivités territoriales et de leurs dirigeants et formulent des recommandations tirées de ces examens de gestion.
Rappelons que l’examen de gestion est défini comme un dispositif de contrôle portant sur :
L’examen de gestion n’est pas un acte juridictionnel, mais un contrôle administratif puisqu’il n’aboutit pas à un acte juridictionnel. Le « rapport d’observations » est en effet un document administratif. Toutefois, les observations formulées, même définitives, par une CRC concernant la gestion d’une collectivité territoriale, ne présentent pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.
Une observation peut être rectifiée par la CRC à la demande d’une personne explicitement mise en cause. Le refus de rectification peut être contesté devant le juge administratif. Ainsi, le juge pourrait sanctionner, dans le cadre d’un contrôle minimum, le non-respect des droits de la défense, en particulier le non-respect de la procédure contradictoire (légalité externe) ou l’inexactitude matérielle des faits (légalité interne). En revanche, l’erreur manifeste d’appréciation semble toujours écartée.
Bien que ces observations émises ne contraignent pas directement les personnes intéressés, elles peuvent influencer l’exercice de leur mandat par les ordonnateurs ou affecter le déroulement des travaux d’une assemblée délibérante. En effet, malgré la liberté des exécutifs de réagir aux observations de gestion comme ils l’entendent, la publicité qui leur est automatiquement attachée et les obligations de suivi qui en découlent exercent une pression indirecte sur ces derniers.
Dans ce contexte, l’examen de gestion mené par une CRTC joue un rôle crucial dans la détection de potentiels risques de gestion au sein d’une collectivité territoriale. La nature publique des observations définitives émises à l’issue d’une procédure de contrôle de cette nature, met en lumière les dysfonctionnements et peut engendrer un risque politique plus ou moins grave.
Le régime unifié de responsabilité financière des gestionnaires publics (comptables et ordonnateurs) prévoit des infractions définies par le code des juridictions financières (articles L131-9 à L131-15). En premier ressort, ces infractions relèvent de la compétence de la Cour des comptes, au second degré, elle relève de la cour d’appel financière.
Sur les responsables au sein des collectivités, établissements et organismes publics, les infractions suivantes sont sanctionnables :
Dans le domaine de la gestion publique locale, les employeurs publics sont confrontés à de multiples exigences d’exemplarité dans des domaines variés, notamment : la prise en compte de l’intérêt général, le libre accès et l’égalité devant le service public, le respect des principes de laïcité, la qualité des relations avec les usagers, les obligations de transparence, de concertation, consultation et débat, l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, la prise en compte des risques liés à l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail, la lutte contre l’illettrisme, l’accueil des personnes en situation de handicap, le dialogue social, ainsi que les relations partenariales entre institutions territoriales.
Ces exigences, souvent ancrées dans des principes de droit, des dispositions législatives ou réglementaires, peuvent faire l’objet de recours devant les tribunaux administratifs.
La communication des candidats aux élections relève de règles qui constituent autant d’exigences de transparence, d’égalité économique entre candidats et préserve de certains « mélanges des genres » entre les candidats et les exécutifs de collectivités territoriales.
Dans le respect des règles de financement de campagnes électorales, différentes formes de communication politique sont autorisées, imputables au compte de campagne de chaque candidat : distribution de tracts, affichage, gestion d’un journal de campagne, publication d’un ouvrage, organisation de réunions électorales et de banquets républicains, recours aux sondages, utilisation du téléphone, intervention des candidats dans les médias, recours aux réseaux sociaux et Internet, utilisation de fichiers sous certaines conditions, recours à la publicité commerciale dans des limites encadrées, vente d’objets publicitaires, offre de cadeaux.
En revanche, d’autres formes de communication sont interdites : l’usage des numéros d’appel téléphonique ou télématique gratuit, l’affichage électoral sauvage, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tous procédés de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tous moyens de communication audiovisuelle, la distribution de lettres et tracts en dehors des conditions réglementaires fixées par le code électoral.
Le non-respect de ces prescriptions en matière de communication en période électorale peut conduire à des sanctions qui sont celles relatives au financement de la vie politique :
À ces exigences auxquelles sont soumis les candidats s’ajoutent des règles de communication institutionnelle des collectivités gérées par les élus candidats qui pourraient être tentés d’utiliser les moyens publics mis à leur disposition pour favoriser leur réélection : réceptions, manifestations et commémorations, inaugurations, bulletins et magazines institutionnels des collectivités, émissions télévisées financées par les collectivités, affichage institutionnel, cartons d’invitation, bilans de mandats, éditoriaux, vœux annuels, utilisation de la photothèque de la collectivité, réalisation de sondages à l’initiative d’une collectivité, organisation de référendums locaux en période électorale, numéros verts, sites Internet des collectivités, ouvrages concernant les collectivités, utilisation des fichiers des collectivités, des moyens humains et matériels de la collectivité ou de ses satellites, etc.
Les deux principes essentiels sont les suivants :
Le droit à l’expression des membres de l’opposition ne peut contrevenir aux dispositions ci-avant mentionnées.
Ceci nécessite que les candidats placés dans cette situation opèrent la distinction entre ce qui relève de la campagne électorale dont le coût doit être retracé dans le compte de campagne, et ce qui appartient à la communication de l’institution. Les principaux critères de cette distinction sont : le principe de l’objectivité et de la neutralité, le principe de l’antériorité, le principe de la régularité, le principe de l’identité de la forme du support.
Pour les responsables politiques qui commettent des infractions pénales, l’inéligibilité constitue une sanction particulièrement dissuasive. C’est notamment le cas pour les auteurs de manquements à la probité qui ont démontré qu’ils représentaient un danger pour le bon fonctionnement du monde économique comme pour l’administration.
Le risque de privation du droit d’être élu peut résulter de deux hypothèses :
Les peines d’inéligibilité s’appliquent de manière spécifique pour les élus. Elles peuvent être prononcées pour une durée de dix ans au plus à l’encontre d’une personne exerçant un mandat électif public au moment des faits.
Chaque candidat dans le cadre d’un scrutin uninominal, ou tête de liste dans le cadre d’un scrutin plurinominal, est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues, et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses effectuées en vue de l’élection dans l’année qui précède le mois du scrutin. Cette obligation ne concerne pas les élections sénatoriales ni celles dans les communes de moins de 9 000 habitants. Ce compte de campagne doit être déposé auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Diverses prescriptions, imposées par le législateur, pèsent sur les opérations de recettes et dépenses exécutées : l’origine des recettes autorisées, la nature des dépenses électorales, la désignation d’un mandataire financier prévu pour chacun des candidats concernés par l’obligation de tenue d’un compte de campagne ainsi que les formalités auxquelles il doit satisfaire, les montants plafonds de dépenses, le plafonnement des contributions des personnes physiques, l’interdiction du financement par des personnes morales et les modalités de contributions personnelles des candidats et les apports des partis politiques. En cas de non-respect de ces règles de financement des campagnes électorales, le compte de campagne du candidat peut être rejeté.
Cette situation a plusieurs incidences :