Des expériences lyonnaises, parisiennes, corse et alsaciennes en application de l’article 72 de la Constitution, ainsi que les expériences ultramarines, en application de l’article 73 de la Constitution, ont contribué à inventer un modèle de collectivité unique comme forme institutionnelle d’organisation territoriale. Nous les présenterons rapidement avant d’exposer la portée potentielle de la notion de collectivité unique dans le système institutionnel français.
La création de la métropole de Lyon
Collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constituiton, la métropole de Lyon cumule, depuis 2014, les compétences d’un EPCI et d’un département. Elle est devenue espace unifié pour élaborer et conduire un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, sportif, culturel et social de son territoire, afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion.
Cette collectivité se caractérise de la manière suivante :
La réforme du statut de Paris
Paris dispose d’un statut particulier depuis la loi du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne, qui a permis qu’elle rassemble, sur un seul et même territoire, deux collectivités : une commune et un département intervenant avec une seule assemblée délibérante et au moyen des mêmes services.
Pour tenir compte de la taille de ce territoire, la loi du 31 mars 1982 a instauré le principe de l’organisation des élections municipales dans le cadre des arrondissements et créé les mairies d’arrondissement.
Le statut de Paris a été modifié par une loi de 2017 qui a pris effet le 1er janvier 2019. La capitale est devenue une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, issue de la fusion de la commune et du département de Paris. Dénommée « ville de Paris », cette collectivité unique exerce les compétences de la commune et du département. Le conseil de Paris est soumis aux règles de fonctionnement des conseils municipaux.
La collectivité de Corse
Pour la Corse, en 2003, il a été envisagé un statut de collectivité unique qui n’a pas abouti. En effet, la consultation prévue par la loi n° 2003-486 du 10 juin 2003 sur un projet de modification de son organisation institutionnelle en une collectivité unique – dotée d’un statut spécial et absorbant la collectivité territoriale de Corse et ses deux départements – a été rejeté par référendum le 6 juillet 2003.
C’est la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 qui a fait aboutir ce projet : la collectivité de Corse est devenue, depuis le 1er janvier 2018, une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse du Sud et de Haute-Corse.
La collectivité européenne d’Alsace
Le 7 février 2013, un premier projet de création d’une collectivité unique alsacienne exerçant les compétences régionales et départementales a été rejeté par référendum.
Puis, le redécoupage des régions étant intervenu en 2015, une loi du 2 août 2019 a regroupé les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin sous le nom de « collectivité européenne d’Alsace ». En plus des compétences exercées habituellement par les départements, la collectivité exerce des compétences spécifiques (l’organisation de la coopération transfrontalière sur son territoire, la promotion du bilinguisme par la mise en place d’un enseignement facultatif de langue et culture régionales tout au long de la scolarité ; l’animation et la coordination de la politique touristique sur son territoire, la gestion des routes et autoroutes non concédées, classées dans le domaine public routier national, situées dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin).
La contribution des Outre-mer à l’invention institutionnelle de la collectivité unique
En 1946, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion ont accédé au statut de département d’Outre-mer. En 1982, ces quatre territoires sont devenus des régions qui vinrent se superposer aux départements. Il fallut attendre la révision institutionnelle du 28 mars 2003 et la disposition inscrite à l’article 73, alinéa 7, pour ouvrir, dans ces collectivités ultramarines, la possibilité d’opter pour le statut de collectivité unique se substituant au département et à la région, sous réserve du consentement des électeurs des territoires concernés.
Un scrutin proposant cette évolution, organisé en décembre 2003, fut massivement rejeté en Guadeloupe et obtint une faible majorité en Martinique. Suite à ce référendum, deux composantes du département et de la région de la Guadeloupe, les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ont bénéficié d’un nouveau statut, celui de collectivité d’Outre-mer .
Une nouvelle consultation, organisée en 2010, a confirmé la réticence de la Guadeloupe pour évoluer vers une collectivité unique.
A travers le même type de référendum organisé de manière concomitante, la Martinique et la Guyane ont refusé, à une très large majorité, le statut de collectivité d’Outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution et accordant une autonomie accrue. Un autre référendum, organisé peu après, a permis à ces deux territoires d’approuver le principe de création d’une collectivité unique, régie par l’article 73 de la Constitution, appelée à exercer les compétentes dévolues au département et à la région. Ce sont les lois organique et ordinaire du 27 juillet 2011 qui ont procédé à la création de ces deux nouvelles collectivités uniques, ensuite mises en place le 1er janvier 2016.