Inspirée par l’antiquité grecque, le mouvement des Lumières, et l’humanisme, la République française repose sur des valeurs comme la souveraineté, la laïcité, et la fraternité, établies dès 1789 et renforcées par la suite. Le contrat social, mis en avant par des penseurs tels que Hobbes, Locke, et Rousseau, équilibre droits individuels et responsabilités étatiques. La Constitution de 1958 reflète ces principes, affirmant une République indivisible, laïque, et démocratique, guidée par la volonté populaire et le Bien commun.
La notion de contrat social
Influencé par un imaginaire puisé dans la Grèce antique, la naissance du modèle républicain français a été fortement inspiré par le mouvement des Lumières, lui-même ayant puisé ses racines dans le christianisme et, plus tard, l’humanisme.
Comprendre le sens de la République nécessite de saisir ses valeurs fondamentales et sa cohérence d’ensemble tels que la souveraineté nationale, l’État de droit, le contrat social, le respect de la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, la dignité humaine, la justice, l’intérêt général, la solidarité, l’ordre, l’autorité, la sécurité publique.
L’action publique ne trouve son sens que si elle est inspirée par ces valeurs.
Le contrat social, développé par des penseurs comme Thomas Hobbes, Jean Locke et Jean-Jacques Rousseau est central, envisageant un équilibre entre les droits individuels et les reponsabilités envers l’Etat.
Traduction constitutionnelle de l’idée républicaine de contrat social
La République se base sur un ensemble de valeurs établies dès 1789, enrichies en 1848 et par le programme du Conseil national de la résistance de 1945 qui consacrent la citoyenneté, la liberté et la fraternité, la laïcité et la tolérance, l’égalité des droits et des chances, la sécurité sociale et la solidarité nationale, la notion d’intégration et celle de sécurité, l’intérêt général prévalant sur les particularismes et les privilèges.
Même si, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la patrie des Droits de l’Homme et des Citoyens avait eu sa réputation sérieusement écornée par son comportement colonial, il n’en demeure pas moins que, le 10 décembre 1948, l’assemblée générale des Nations-Unies approuva la Déclaration universelle, dont un Français fut le rédacteur principal. Un texte court, pédagogique, qui proclama, en trente articles, les droits civils, économiques, sociaux et culturels et, plus brièvement, politiques. Toutefois, il ne comporte aucune allusion aux droits des peuples ni même à la dimension de citoyenneté.
La Constitution de la IVe République débute par une déclaration qui récapitulait le long cheminement de l’idée républicaine.
La loi constitutionnelle de la Ve République, adoptée en octobre 1958, débute par un article 1er qui pose les termes de l’équilibre républicain qui caractérise le modèle français :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».
Ainsi, la République, dans son principe – « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » selon la formule doxologique d’Abraham Lincoln (1809-1865) – et dans sa devise – « liberté, égalité et fraternité » –, s’est affirmée comme projet national.
L’autorité en démocratie n’a jamais été, n’est et ne sera jamais que la volonté du peuple s’exprimant par le suffrage universel pour garantir et servir le Bien commun et la cohésion sociale.
Démarche publique, nationale et locale, pour consolider le contrat social
Chacun mesure ce qu’est un contrat social et combien il est vital pour vivre ensemble au sein d’une nation tournée vers un destin commun, inspirée par un idéal partagé, animée par une certaine idée du Bien commun.
Or, les crises existentielles de ces dernières décennies traduisent le fait que notre société a perdu ce qui fonde le contrat social et le sentiment d’appartenance à une nation : la confiance dans les représentants de la République, le sens civique, le goût de l’altérité. D’où les replis individualistes, consuméristes, communautaristes, populistes, radicaux avec tous leurs fruits vénéneux. Certains parlent d’extrémisme individualiste ou d’individualisme extrémiste.
Pour sortir du malaise, il importe de retrouver collectivement les finalités de notre contrat social : une volonté résolue de renforcer la dignité humaine, la justice sociale, la cohésion sociale, la dynamique économique, l’aménagement du territoire, l’équilibre écologique, la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité.
Il est proposé de lancer une « démarche publique » de formulation du contrat social de notre République, pour aujourd’hui et demain.
Cette démarche, menée sous forme d’auditions, diffusée en direct par les médias de l’audiovisuel, serait animée par un groupe de personnalités, légitimes et de confiance, chargées d’organiser l’expression de personnes de conviction qui, de manière argumentée et raisonnée, poseraient les enjeux de fond sous-jacents aux crises françaises, exprimeraient une vision concernant notre modèle de développement et proposeraient des solutions. Cette démarche, menée sur plusieurs mois pour prendre le temps de la réflexion, permettrait de clarifier, expliciter et affirmer un projet de contrat social en mesure de lier les français avec leur nation, dans un contexte d’ouverture à d’autres nations à travers l’Union européenne et son rejet de devenir davantage une puissance géopolitique. En effet, les nations attendent de l’Union européenne des politiques communes plus puissantes en matière de sécurité, de recherche, d’innovation, de production, de formations supérieures, d’initiatives pour le développement durable, l’égalité sociale réelle et la cohésion territoriale en veillant à des processus de décisions transparents et proches des peuples.
Ce projet de contrat social serait ensuite débattu dans les instances de représentation nationale et locales et dans des forums citoyens organisés, au lendemain des prochaines élections municipales, dans l’ensemble des communes de France, avec l’implication des maires. A l’échelle du pays, cette phase d’auditions publiques et de forums municipaux serait immanquablement fédératrice, collaborative et apprenante. Elle forgerait une conscience renouvelée du contrat social qui lui-même se clarifierait, se renforcerait, se consoliderait.
Dans cette démarche, il serait fondamental de poser les questions fondamentales qui touchent à la société que nous voulons demain, aux défis que nous devons relever, au modèle de développement que nous choisissons de privilégier. Dans ce cadre, il conviendra de réhabiliter la valeur de l’action publique : elle crée du sens, de la qualité, de la confiance au service de la société toute entière, au service du commun et c’est essentiel pour unir un peuple.
Ce contrat social devra proposer des repères pour surmonter les motifs de crispation de notre société, par lesquels les suivants : les dépenses publiques, la contribution publique, les inégalités sociales, la précarité, la montée des inégalités territoriales et le décrochage grandissant de nombre de quartiers de centres urbains, l’urgence climatique, le modèle mercantile de notre société, la menace terroriste et les confusions qu’elle dévoile.
Contrat social et dépenses publiques
Les dépenses publiques seraient une charge excessive, insupportable, à comprimer. Le modèle français serait abusif.
Les approches néo-managériales incitent à réduire les dépenses publiques, libéraliser à tout crin pour favoriser les mécanismes du marché. Les stratégies de réformes portent, dans de nombreux cas, à l’échelle internationale, sur des dimensions parcellaires (les équilibres budgétaires, l’analyse des coûts, la mesure des résultats, la performance de la dépense) et non sur l’utilité sociale des dépenses pour une dynamique de developpement éco-responsable. Ce discours dominant est créateur de malaise car il ignore une réalité essentielle pour faire vivre le contrat social : les dépenses publiques peuvent être un précieux levier de croissance et un facteur majeur de réduction des inégalités. Il convient donc de réhabiliter l’utilité des interventions publiques et de développer des efforts d’économie et de productivité qui soient empreints d’une considération positive sur leurs rôles et effets.
Réhabiliter l’intervention publique suppose de respecter l’idée même d’Etat, au sens large du terme, celui de la philosophie politique, qui englobe les autres institutions publiques, les collectivités territoriales notamment qui exercent une partie de ses attributions.
Fruit d’un long processus historique, l’Etat est sensé apporter – tout au moins dans les sociétés démocratiques modernes – la paix, l’ordre et la stabilité. Il est une personne juridique productrice de droit qui détient la capacité d’imposer des normes juridiques de manière unilatérale. Il est régulateur de l’économie, du lien social, protège les plus faibles, et impulse le développement. Il représente la nation, cette conscience collective et ce sentiment d’appartenance volontaire, cet esprit d’un peuple qui aspire à liberté, selon la conception républicaine. Cette puissance souveraine peut devenir centralisatrice, contraignante, porteuse d’une tentation totalitaire mais aussi, parfois, être unificatrice pour un peuple, protectrice pour les plus faibles, libératrice pour le citoyen. L’Etat est souvent une idole qui broie de serviles sujets, un monstre totalitaire qui impose sa loi, un pouvoir dictant des valeurs mettant en cause la liberté de penser. Il peut aussi être un être vivant, l’incarnation sociale de la Raison, l’expression de l’esprit d’une nation, un acteur majeur de l’idéal démocratique, un lieu de décisions politiques permettant de dépasser l’opposition entre l’universel et le particulier.
Le pouvoir d’Etat est abstrait. Il s’incarne dans des personnes individuelles mais ne se confond pas avec elles. Il est aujourd’hui, autant sinon plus, nécessaire à l’équilibre d’une société menacée par les forces de désintégration et d’impuissance d’une mondialisation – symbole vivant de l’hégémonie du système capitaliste – ou les carences démocratiques d’une construction européenne qui évoluerait vers un fédéralisme.
Depuis Adam Smith, les approches ont évolué. La « main visible » du pouvoir politique a dû relayer ou remplacer la « main invisible » du marché. Un système mondial d’économie de marché s’est développé dans un système capitaliste dominant, teinté de social-démocratie plus ou moins forte selon les nations. L’histoire économique et sociale des deux derniers siècles a été ponctuée de mouvements de progrès sociaux et de luttes pour des droits fondamentaux qui ont rendu nécessaire des interventions publiques de plus en plus large. Plusieurs étapes successives propres à l’histoire contemporaine de la France ont construit un édifice d’interventions publiques de valeur, même si subsistent des marges importantes de progrès en matière d’efficacité.
Aujourd’hui, le service public n’est plus pensé comme maléfique pour l’entreprise individuelle, le développement économique et les libertés humaines. Il représente un coût que supporte la société pour répondre aux nécessités prioritaires. Il est une part de la production nationale qui satisfait les besoins humains fondamentaux. L’enjeu de l’action publique est d’établir la rencontre efficace entre :
Depuis quelques décennies, face aux dérives liées à la mondialisation croissante de l’économie (libre circulation des marchandises et des capitaux, rôle des firmes multinationales, révolutions apportées par l’internet), face aux dérégulations aux effets dévastateurs des dérégulations et face aux crises résultant des pratiques financières mondiales, les interventions publiques apparaissent comme stabilisatrices et fondamentales : elles restent toujours nécessaires mais, à l’heure des plans d’austérité, sont devenues beaucoup plus difficiles à mettre en oeuvre.
Même si des marges de meilleur emploi des dépenses publiques existent et doivent inlassablement être utilisées dans le cadre de démarches de réformes, les dépenses publiques constituent un levier de développement essentiel pour un pays démocratique soucieux de justice.
Les interventions publiques non comme un volet de l’économie de marché mais comme un élément d’équilibre au service de fonctions collectives essentielles : la santé, l’éducation, les transports, le logement, etc. Ces domaines ne peuvent être assurés correctement par le jeu, même régulé, du marché capitaliste. Ils nécessitent une intervention collective forte, organisée, durable. Il revient donc aux pouvoirs publics de piloter l’offre de services publics, même si celle-ci associe des opérateurs privés aussi bien que publics.
Face à la crise, l’esprit de service public construit en France sur la base des luttes menées depuis le XIXème siècle, nous démarque de nombre d’autres nations et nous permet de faire face à la crise de manière plus solidaires que dans d’autres pays engagés dans la compétition mondiale.
Les dépenses publiques concourent pour plus d’un quart à la richesse nationale et font appel à un cinquième de la population. L’action publique ne saurait être considérée comme une charge dont il faudrait à tout prix limiter le coût. Elle devrait plutôt être vue comme une donnée contribuant à la prospérité du pays, au renforcement de l’intérêt général, au bien-être de ses habitants, à l’accomplissement des personnes.
Les interventions publiques permettent :
En terme de production économique, le volume des réponses aux besoins collectifs (éducation, santé, sécurité, logement, etc.) est tout aussi importante que celui des activités marchandes. Il représente une part significative du PIB (20 %) estimée au coût des facteurs, à laquelle s’ajoute environ 5 % de production marchande (énergie transport). Ces interventions publiques jouent un rôle capital dans le développement du pays et de ses habitants, dans quatre domaines essentiels :
La dépense publique est un précieux facteur de croissance. Pour le mesurer, il importe de souligner que les notions de dépenses publiques et de dépenses privées sont distinctes de celle de produit intérieur brut. La dépense publique s’élève à 56 % du produit intérieur brut. Le total de la dépense privée des ménages et des entreprises, quant à elle, si elle était calculée comme les dépenses publique serait estimée à plus de 200 % du PIB. En rapportant la dépense publique au PIB, on la compare à une grandeur familière. Cette mise en relation n’est pas infondée en soi. Encore faut-il ne pas se méprendre et laisser penser que le PIB serait consacré à 56 % pour les dépenses publiques, ce qui laisse entendre – de manière erronée – qu’il ne resterait que 44 % seulement du PIB pour les dépenses privées.
La dépense publique comprend deux principales composantes : la production de services publics, d’une part, et la délivrance de prestations sociales, d’autre part .
Les fonctionnaires contribuent au PIB. La différence avec le privé est que leur production est en accès gratuit. Mais cette production doit être payée, et elle l’est par l’impôt. La valeur ajoutée par les administrations s’élève à 375 milliards, soit 16 % du PIB (dont 270 milliards en rémunération des agents publics, soit 12,5 % du PIB, le reste finançant le renouvellement du capital public). Il s’agit bien ici d’une part du PIB, et elle est stable depuis 1980.
Le second grand volet est constitué par les prestations sociales (retraites, allocations familiales, chômage, RSA…) et les transferts sociaux (remboursement des consultations et des médicaments, allocation-logement…). C’est la plus grande part : 591 milliards (dont plus de 300 pour les retraites et seulement 11 pour le RSA), soit près de la moitié de la dépense publique. Ces prestations et transferts ne paient pas des fonctionnaires. Ils soutiennent massivement la dépense privée des ménages auprès des entreprises (consommation des retraités, paiement des loyers aux propriétaires, etc.).
Durant les « trente glorieuses », la dépense publique rapportée au PIB a peu augmenté : de 37 % en 1959 à 40 % en 1974. Cela ne signifie pas que, pendant cette période, cette dépense n’augmentait pas. Elle croissait vivement, au contraire, de manière proportionnelle aux salaires nets. Cela a permis de soutenir la demande et le PIB. D’où, finalement, un ratio relativement stable de dépenses publiques rapportées au PIB.
Dans certains pays, la dépense publique est plus faible. C’est le cas lorsque les autorités font le choix de recourir plus amplement au privé pour la santé et les retraites. A la fin de chaque mois, les entreprises paient certes moins de charges sociales, mais, parfois, des charges privées complémentaires pour aboutir à des niveaux de couvertures égales à celles existantes, par exemple, en France (contributions aux assurances privées et aux fonds de pension). Si les entreprises n’assurent pas cette charge complémentaire, ce sont les individus qui doivent supporter cette dépense. Ces pays s’en portent-ils mieux ? L’espérance de vie à la naissance aux Etats-Unis, pour ne citer que ce chiffre, est inférieure de deux ans et demi à celle observée en France.
La dépense publique soutient l’activité et elle joue aussi un rôle majeur, et souvent méconnu, dans la réduction des inégalités. En France, les 20 % les plus riches ont huit fois plus de revenus primaires (salaires, revenus du patrimoine) que les 20 % les plus pauvres. Le jeu des impôts directs (l’impôt sur le revenu notamment) et des cotisations réduit cet écart à sept. Bien plus que par les prélèvements, c’est par la dépense publique que les inégalités sont réduites. On passe finalement à un écart de trois entre les plus riches et les plus pauvres, grâce aux prestations sociales et à la consommation de services publics. Il est donc temps de porter un regard neuf sur la dépense publique.
Insistons sur un point sensible qui sera dans le champ de cette démarche d’explication de notre contrat social : en matière de dépenses publiques, depuis que l’injonction de réduction des dépenses publiques est assenée, personne n’est capable de proposer un périmètre de dépenses publiques utiles, clairement fixé et compréhensible. Or, cette clarification est indispensable et ne peut provenir que de démarches de réflexion publique de fond telle. Elle doit notamment permettre que les français ne soient plus trompés par le discours affirmant que les dépenses publiques représentent 56 % du PIB en laissant sous-entendre – de manière erronée – qu’il ne resterait que 44 % seulement de la richesse nationale disponible pour les dépenses privées. Or, le total de la dépense privée des ménages et des entreprises, quant à elle, si elle était calculée comme les dépenses publiques, représenterait plus de 200 % du PIB !
Cette clarification doit aussi poser un regard objectif sur l’action publique : les services publics sont productifs et augmentent le PIB ; la dépense publique soutient massivement l’investissement et la consommation, lesquels déterminent le montant du PIB. Cette reconnaissance est totalement compatible avec une exigence d’économie et de productivité des dépenses publiques, dans le cadre d’un périmètre clairement tracé, comme exprimé précédemment. Les dépenses publiques demandent évidemment à être remises à plat (certaines aides aveugles aux entreprises ou de nombreuses niches fiscales sont-elles fondées ?) à l’instar des dépenses privées (les rémunérations exorbitantes des dirigeants des grandes firmes sont-elles légitimes et signes d’efficacité ?).
C’est ainsi que l’impôt trouvera son sens aux yeux des contribuables.
Sentiment d’équité fiscale et confiance dans l’utilisation de l’argent public
En 2023, pour le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) (organisme associé à la Cour des comptes qui est chargé d’apprécier l’évolution et l’impact économique, social et budgétaire de l’ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative à ces prélèvements), l’institut de sondage Harris Interactive a interrogé un échantillon représentatif de 2.049 personnes âgées de 18 ans et plus. De cette enquête, il ressort que 75% des Français interrogés estiment « trop élevé » le niveau d’imposition en France. 21% le considèrent au bon niveau et seulement 3% le jugent trop bas.
Interrogés sur les impôts qu’ils paient à titre individuel, les Français interrogés sont toutefois moins nombreux (63%) à considérer que les impôts sont trop élevés, et à l’inverse, plus nombreux (33%) à juger « bon » le niveau des impôts.
Autre enseignement du sondage : 67% des sondés se déclarent « insatisfaits de l’utilisation qui est faite de l’argent public ».
En dépit de ces opinions négatives, 79% des répondants s’accordent pour reconnaître que payer ses impôts « constitue un acte citoyen ». En outre, « seule une minorité des sondés accepterait une baisse des dépenses publiques contre une baisse de leurs impôts ».
Une grande majorité des personnes interrogées pensent qu’il est possible d’améliorer le niveau des services publics sans augmenter les impôts.
Seuls 32% des Français interrogés « font confiance à l’État pour utiliser efficacement l’argent public ». Mais la confiance grandit « à mesure que le niveau de gouvernance se rapproche du citoyen », observe le CPO. Le taux de confiance s’établit ainsi à 58% pour les départements et les régions et à 68% pour les communes.
D’après la note du CPO, « la confiance dans les institutions », « le sentiment d’équité fiscale » et « la satisfaction quant à l’utilisation de l’argent public » sont les facteurs qui influent le plus sur le degré d’acceptation de l’impôt par les citoyens.
Pour renforcer le consentement à l’impôt, le CPO recommande notamment d’« améliorer l’information des contribuables sur la façon dont est utilisé l’argent public et de les sensibiliser davantage au contrôle de cette dépense ».
Inégalités sociales
La croissance est faible depuis des décennies et l’Union européenne peine à jouer son rôle d’union de nations au service de politiques communes de plus en plus larges favorisant la relance par les investissements. Il s’ensuit une crise du pouvoir d’achat, principalement des bénéficiaires de bas salaires et des classes moyennes.
La question sociale est dramatiquement en danger, dans ses deux dimensions de quête de l’intégration et d’organisation de la solidarité. Certes, un système social est toujours marqué par l’inégalité des revenus : aucune société n’a jamais rémunéré de façon identique l’ensemble de ses membres. Mais cette inégalité peut être plus ou moins forte et peut s’accentuer ou se réduire. Jusqu’ici, la tendance séculaire était plutôt à la réduction des inégalités : ce processus s’est accentué dans tous les pays capitalistes entre 1950 et 1980, sans doute comme résultat des luttes sociales et de l’amélioration de la protection sociale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : à quelques rares exceptions près, ce mouvement séculaire paraît interrompu, voire inversé. Les inégalités de revenus d’activité ont recommencé à se creuser et la protection sociale, même lorsqu’elle se fixe pour objectif d’en limiter les effets – ce qui n’est pas toujours le cas –, n’y parvient guère.
Précarité
La grande pauvreté s’affiche au cœur même des sociétés les plus riches.
Les transformations du marché du travail ont incontestablement joué un grand rôle, mais d’autres facteurs doivent également être pris en compte, les uns économiques, les autres sociologiques. Dans nombre de pays, le chômage de masse s’est progressivement installé au cours des quarante dernières années, au point de faire désormais partie du paysage. Or, qui dit chômage, dit baisse des revenus. A ce phénomène, en quelque sorte mécanique, s’en ajoute un autre : la montée des emplois temporaires. Le déclin du syndicalisme et la croissance de l’emploi dans les petites structures, où les rapports de force sont bien différents de ce qu’ils sont dans les grandes entreprises, ont sans doute renforcé cette tendance à des emplois plus précaires. Mais d’autres causes aussi ont joué, liées à des transformations du système productif lui-même qui poussent à un emploi plus flexible. Les effets de la mondialisation tendent à élargir substantiellement l’éventail des revenus. D’un côté, les rémunérations des salariés du haut de l’échelle progressent, car ce sont souvent les compétences de ces salariés qui fournissent aux entreprises l’avantage concurrentiel qui leur permet de percer sur le marché mondial. A l’autre bout de la chaîne, ceux qui font un travail susceptible d’être délocalisé sentent s’appesantir la pression : gains de productivité et progression aussi limitée que possible des salaires et des avantages sociaux réduisent le nombre d’emplois et le niveau des rémunérations du personnel d’exécution dans les activités soumises à une concurrence par les prix.
Au total, dans la pyramide des rémunérations, ceux du haut de l’échelle sont tirés vers le haut et ceux du bas de l’échelle le sont vers le bas. La pyramide s’élève certes, mais en même temps, sa base tend à s’élargir. Dans les sociétés de vieille industrialisation, confrontées à la mondialisation, les écarts entre catégories se creusent et la pauvreté s’accentue bien que la richesse globale s’accroisse. Aujourd’hui, les mécanismes d’égalisation sont, ainsi, à peu près grippés. Ce qui engendre frustration, violence et insécurité. En effet, plus la société est libérale au sens économique du terme, c’est-à-dire tolérante à la montée des inégalités sous l’effet des forces du marché, moins elle peut être libérale au sens politique et social. La croissance des inégalités se traduit aussi par l’augmentation de la violence sociale, qui appelle la répression. Les progrès de l’inégalité tendent ainsi à entraîner un recul des libertés. Or, la principale raison d’être de la politique serait de défendre le principe d’égalité en ouvrant un avenir commun à l’ensemble de la population.
Montée des inégalités territoriales et décrochage grandissant de nombre de quartiers de centres urbains
La notion constitutionnelle d’égalité s’entend comme un droit pour les individus mais aussi comme une problématique des territoires. Cette acception est prise en compte, en France, dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire. L’État détient la responsabilité de la cohésion nationale et, à ce titre, a la tâche de réduire les inégalités territoriales. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré le principe suivant : « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».
Or, en France, les inégalités territoriales sont croissantes, et il s’agit d’un motif de malaise qui s’amplifie depuis des décennies. L’un des principaux facteurs de ce constat tient au fait que l’économie française s’est fortement désindustrialisée depuis plus d’une trentaine d’années. La part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale a baissé fortement dans toutes les régions mais seules certaines ont réussi à opérer une réorientation de leurs activités économiques. Selon certaines analyses, cet écart de performance tient à la taille des territoires et, selon certaines analyses, ceci s’expliquerait par le fait que, entre les petites et les grandes agglomérations, divers facteurs seraient en jeu :
Cette approche explicative, teintée d’idéologie de la métropolisation, fait croire que la compétitivité de la France ne reposerait que sur les métropoles et que le reste du territoire serait totalement dépendant de ces zones urbaines denses.
Or, si les gains relatifs aux agglomérations sont avérés, la seule concentration de population ne suffit pas à engendrer la performance. Parmi les grandes aires urbaines, certaines ont connu une augmentation rapide de l’emploi entre 2007 et 2017 (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon), tandis que d’autres voyaient l’emploi baisser (Douai-Lens, Rouen, Strasbourg, Nice, Toulon). Les facteurs de la réussite d’une métropole sont multiples et complexes : spécialisation initiale, étendue des champs d’activité (notamment dans les fonctions tertiaires dites supérieures), concurrence avec d’autres villes locales, présence de clusters et de pôles de compétences, ou encore gouvernance locale.
La concentration de la population a des effets négatifs. Par exemple, la densité de population entraîne des effets de congestion : problèmes de transports, de pollution ou de sécurité, prix de l’immobilier élevés. Ces effets appellent des mesures correctrices ou engendrent des charges qui génèrent des coûts supplémentaires se répercutant sur les prix et les salaires locaux.
L’analyse de la géographie territoriale peut conduire à nuancer le lien de causalité entre le phénomène de métropolisation et celui d’inégalités. Il y aurait une différenciation territoriale des inégalités beaucoup plus qu’une coupure entre les métropoles et le reste des territoires. D’ailleurs, les inégalités les plus graves se retrouvent au sein des métropoles, avec les phénomènes de ghettoïsation des quartiers dits sensibles, objet de la politique de la ville. Si rien n’avait été fait en ce domaine, la situation serait pire. Ce qui a été entrepris n’est cependant pas encore à la hauteur des fractures constatées.
Ceci conduit à penser que les zones rurales et les zones urbaines dévoient être liées et reliées – et les conseils départementaux ont, à cet égard, un rôle d’équilibrage essentiel – comme le soulignent certains auteurs pour qui « la fracture qui se dessine n’est pas entre les métropoles et le reste du pays mais plutôt entre les systèmes productivo-résidentiels (SPR) dans lesquels villes et hinterlands sont mariés pour le meilleur ou pour le pire ».
Les tensions récurrentes en matière de stratégie d’aménagement du territoire au regard du principe d’égalité territoriale dépend des réponses apportées aux trois questions suivantes : la réduction des dépenses publiques ne risque-t-elle pas d’amplifier les déséquilibres territoriaux ? Faut-il concentrer l’investissement public dans les zones les plus productives ? Quelle offre de service public minimale doit être garantie sur l’ensemble du territoire ?
Urgence climatique
Enfin, citons un autre motif majeur de crispation : l’augmentation alarmante des émissions de gaz à effet de serre mondiales, observée depuis des décennies, dont l’origine est majoritairement imputable à la consommation de combustibles fossiles et autres produits nocifs pour la planète.
Modèle mercantile de notre société
La montée de l’individualisme, évoquée ci-dessus, peut-être mise en relation avec l’évolution de notre société vers un modèle de plus en plus mercantile. Une société qui semble vouloir transformer les citoyens en des consommateurs sans cesse frustrés ou de « petits soldats » de l’économie soumis à la loi du profit. En effet, l’imaginaire « globalitaire » promu par la mondialisation tend à réduire l’homme à son utilité économique et récuser a priori toute idée de transcendance, tout pas supplémentaire vers une humanité plus profonde. Avec la mondialisation, il n’y a pas de « rêve » en suspens. La mondialisation rabat l’homme sur sa vie qu’il lui faut réussir à tout prix. Instituée en véritable politique, cette mondialisation ou globalisation creuse pourtant à marche forcée les inégalités entre le Nord et le Sud, tout comme à l’intérieur d’une nation comme la nôtre.
Menace terroriste et les confusions qu’elle dévoile
Un autre signal de malaise occupe les esprits : la menace terroriste et ce qu’elle suscite comme réactions dans notre société.
En effet, les récentes vagues terroristes suscitent de fréquents amalgames, principalement entre les notions d’extrémisme et de fanatisme, de fondamentalisme et de dérives radicales. Elles posent, selon certains, la question du rapport entre la République et les religions. Elles suscitent, chez d’autres, un soi-disant « retour du religieux » supposé fondé sur la montée en visibilité de l’islam. Elles donnent lieu, parfois, à des préjugés, stigmatisations ou intolérances qui reflètent une vision caricaturée de la croyance religieuse, et de la foi musulmane en particulier : en 2017, 62 % des français pensaient que l’islam représentait une menace pour la République, contre 56% en 2009.
Ces caricatures provoquent des comportements islamophobes. Elles créent une confusion entre les valeurs communes, les conditions du vivre-ensemble et l’expression de l’inter-culturalité. Les valeurs de la République sont invoquées, la laïcité est mise en scène, l’expression religieuse est en jeu.
Dans le même temps, les supposés esprits forts rivalisent de sarcasmes sur Dieu, ses caricatures et ceux qui croient en lui. Dieu serait sorti de l’Histoire. L’humanité aurait été libérée de Dieu.
Le djidahisme serait-il le retour périlleux du religieux – auquel une « campagne de laïcité » serait le remède – ou bien signerait-il le symptôme d’un refoulement de l’idéal dans un monde qui a perdu sa propre boussole ? La flambée terroriste serait-elle une menace venant de l’islam ou un signe de la crise des sociétés développées qui ont des modes de vie – et donc de croire – qui friseraient l’insensé ?
Ce jaillissement de questions laisse percevoir une profonde crise de sens, caractéristique de notre époque.
La lutte contre la radicalisation impose des améliorations dans la dynamique d’intégration sociale et professionnelle. Elle suppose un modèle de développement solidaire. Elle nécessite un idéal de vie en commun reposant sur le respect, l’acceptation et la compréhension de l’autre, la sobriété et le partage. Car l’attention portée à ce qui oriente le projet de société et l’éloigne des crédulités consuméristes et productivistes, permet de recadrer les croyances folles.
Dans la lutte contre la radicalisation, la laïcité est une réponse nécessaire mais non suffisante car, au-delà des moyens sécuritaires et de la dynamique d’intégration sociale et professionnelle, c’est notre « société du vide » qui doit surmonter la crise de sens qui sécrète la violence. »
Ce que signifie ce malaise profond
Apres ce survol de divers symptômes de crise qui ont agité ces dernières décennies, nous pouvons avancer dans la compréhension des causes du malaise qui se développe au plus profond de la société française.
Ce qui permet la vie en société, c’est de savoir sortir de soi, pouvoir s’ouvrir à l’autre, vouloir partager collectivement. L’espace politique est normalement le lieu d’un destin commun, inspiré par un idéal de vie commune, tourné vers ce qui constitue un Bien commun. Or, notre société peine à cultiver un idéal car elle est devenue une négociation de « petits marchands ». Elle a perdu l’altérité, d’où le repli communautariste, avec tous ses fruits vénéneux.
La survie de la société, son développement, sa cohésion appellent des réponses profondes. Elles nécessitent des repères quant au sens de l’existence et des liens sociaux. Or, la société ne répondra pas au sens de nos vies et de créera pas des liens plus solidaires avec des algorithmes, des smartphones, des promesses économiques, de simples transformations institutionnelles ou des illusions politiciennes. Notre crise majeure n’est ni seulement économique, financière, sociopolitique, géopolitique : c’est d’abord une crise existentielle due à l’absence douloureuse de vision de la dignité humaine, de la justice sociale, de l’équilibre écologique et de la cohésion sociale qui seraient partageables entre tous.
L’un des visages du totalitarisme, l’une des conspirations terribles, tyranniques et secrètes sont aujourd’hui la condamnation de l’être humain à une existence sans aucune verticalité, en rupture avec la nature, sans grande fraternité, mais seulement consacrée au consumérisme et au productivisme. Or, le consumérisme et le productivisme sont l’expression de croyances dans la part absolue des produits marchands dans le bonheur. ils sont des marques de crédulité, d’illusion ou d’idolâtrie de notre époque, le signe d’un désespoir, d’une détresse ou d’une amertume, le symptôme d’une vacuité humaine, d’une « société du vide », d’une « ère du vide » incapable de répondre aux aspirations profondes des êtres. Ces croyances génèrent une crise existentielle, une panne de sens, un mouvement de déshérence exacerbé par les défaillances de notre société : en premier lieu, le manque d’emplois, les défauts d’insertion dans le monde du travail, les efforts insuffisants en faveur de l’éducation et de l’animation extra-scolaire dans les quartiers difficiles, les lenteurs dans la prise en compte des défis écologiques, les lacunes de l’aide à la parentalité, les faiblesses de la sécurité et les lenteurs de la justice.
D’où l’impérieuse nécessité de retrouver le sens d’un contrat social au service du Bien commun, de rechercher un modèle de développement équilibré, d’approfondir la démocratie locale et d’en finir avec de fausses bonnes idées.