Quel contrat social pour la République

Inspirée par l’antiquité grecque, le mouvement des Lumières, et l’humanisme, la République française repose sur des valeurs comme la souveraineté, la laïcité, et la fraternité, établies dès 1789 et renforcées par la suite. Le contrat social, mis en avant par des penseurs tels que Hobbes, Locke, et Rousseau, équilibre droits individuels et responsabilités étatiques. La Constitution de 1958 reflète ces principes, affirmant une République indivisible, laïque, et démocratique, guidée par la volonté populaire et le Bien commun.

La notion de contrat social

Influencé par un imaginaire puisé dans la Grèce antique, la naissance du modèle républicain français a été fortement inspiré par le mouvement des Lumières, lui-même ayant puisé ses racines dans le christianisme et, plus tard, lhumanisme.

Comprendre le sens de la République nécessite de saisir ses valeurs fondamentales et sa cohérence d’ensemble tels que la souveraineté nationale, l’État de droit, le contrat social, le respect de la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, la dignité humaine, la justice, l’intérêt général, la solidarité, l’ordre, l’autorité, la sécurité publique.

L’action publique ne trouve son sens que si elle est inspirée par ces valeurs.

Le contrat social, développé par des penseurs comme Thomas Hobbes, Jean Locke et Jean-Jacques Rousseau est central, envisageant un équilibre entre les droits individuels et les reponsabilités envers l’Etat.

Traduction constitutionnelle de lidée républicaine de contrat social

La République se base sur un ensemble de valeurs établies dès 1789, enrichies en 1848  et par le programme du Conseil national de la résistance de 1945 qui consacrent la citoyenneté, la liberté et la fraternité, la laïcité et la tolérance, l’égalité des droits et des chances, la sécurité sociale et la solidarité nationale, la notion d’intégration et celle de sécurité, l’intérêt général prévalant sur les particularismes et les privilèges.

Même si, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la patrie des Droits de l’Homme et des Citoyens avait eu sa réputation sérieusement écornée par son comportement colonial, il n’en demeure pas moins que, le 10 décembre 1948, l’assemblée générale des Nations-Unies approuva la Déclaration universelle, dont un Français fut le rédacteur principal. Un texte court, pédagogique, qui proclama, en trente articles, les droits civils, économiques, sociaux et culturels et, plus brièvement, politiques. Toutefois, il ne comporte aucune allusion aux droits des peuples ni même à la dimension de citoyenneté.

La Constitution de la IVe République débute par une déclaration qui récapitulait le long cheminement de l’idée républicaine.

La loi constitutionnelle de la VRépublique, adoptée en octobre 1958, débute par un article 1er qui pose les termes de l’équilibre républicain qui caractérise le modèle français :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».

Ainsi, la République, dans son principe – « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » selon la formule doxologique d’Abraham Lincoln (1809-1865) – et dans sa devise – « liberté, égalité et fraternité » –, s’est affirmée comme projet national.

L’autorité en démocratie n’a jamais été, n’est et ne sera jamais que la volonté du peuple s’exprimant par le suffrage universel pour garantir et servir le Bien commun et  la cohésion sociale.

Démarche publique, nationale et locale, pour consolider le contrat social

Chacun mesure ce quest un contrat social et combien il est vital pour vivre ensemble au sein dune nation tournée vers un destin commun, inspirée par un idéal partagé, animée par une certaine idée du Bien commun.

Or, les crises existentielles de ces dernières décennies traduisent le fait que notre société a perdu ce qui fonde le contrat social et le sentiment dappartenance à une nation : la confiance dans les représentants de la République, le sens civique, le goût de laltérité. Doù les replis  individualistes, consuméristes, communautaristes, populistes, radicaux avec tous leurs fruits vénéneux. Certains parlent dextrémisme individualiste ou dindividualisme extrémiste.

Pour sortir du malaise, il importe de retrouver collectivement les finalités de notre contrat social : une volonté résolue de renforcer la dignité humaine, la justice sociale, la cohésion sociale, la dynamique économique, laménagement du territoire, l’équilibre écologique, la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité.

Il est proposé de lancer une « démarche publique » de formulation du contrat social de notre République, pour aujourdhui et demain.

Cette démarche, menée sous forme dauditions, diffusée en direct par les médias de laudiovisuel, serait animée par un groupe de personnalités, légitimes et de confiance, chargées dorganiser lexpression de personnes de conviction qui, de manière argumentée et raisonnée, poseraient les enjeux de fond sous-jacents aux crises françaises, exprimeraient une vision concernant notre modèle de développement et proposeraient des solutions. Cette démarche, menée sur plusieurs mois pour prendre le temps de la réflexion, permettrait de clarifier, expliciter et affirmer un projet de contrat social en mesure de lier les français avec leur nation, dans un contexte douverture à dautres nations à travers lUnion européenne et son rejet de devenir davantage une puissance géopolitique. En effet, les nations attendent de lUnion européenne des politiques communes plus puissantes en matière de sécurité, de recherche, d’innovation, de production, de formations supérieures, dinitiatives pour le développement durable, l’égalité sociale réelle et la cohésion territoriale en veillant à des processus de décisions transparents et proches des peuples.

Ce projet de contrat social serait ensuite débattu dans les instances de représentation nationale et locales et dans des forums citoyens organisés, au lendemain des prochaines élections municipales, dans lensemble des communes de France, avec limplication des maires. A l’échelle du pays, cette phase dauditions publiques et de forums municipaux serait immanquablement fédératrice, collaborative et apprenante. Elle forgerait une conscience renouvelée du contrat social qui lui-même se clarifierait, se renforcerait, se consoliderait.

Dans cette démarche, il serait fondamental de poser les questions fondamentales qui touchent à la société que nous voulons demain, aux défis que nous devons relever, au modèle de développement que nous choisissons de privilégier. Dans ce cadre, il conviendra de réhabiliter la valeur de laction publique : elle crée du sens, de la qualité,  de la confiance au service de la société toute entière, au service du commun et cest essentiel pour unir un peuple.

Ce contrat social devra proposer des repères pour surmonter les motifs de crispation de notre société, par lesquels les suivants : les dépenses publiques, la contribution publique, les inégalités sociales, la précarité, la montée des inégalités territoriales et le décrochage grandissant de nombre de quartiers de centres urbains, lurgence climatique, le modèle mercantile de notre société, la menace terroriste et les confusions quelle dévoile.

Contrat social et dépenses publiques

Les dépenses publiques seraient une charge excessive, insupportable, à comprimer. Le modèle français serait abusif.

Les approches néo-managériales incitent à réduire les dépenses publiques, libéraliser à tout crin pour favoriser les mécanismes du marché. Les stratégies de réformes portent, dans de nombreux cas, à l’échelle internationale, sur des dimensions parcellaires (les équilibres budgétaires, lanalyse des coûts, la mesure des résultats, la performance de la dépense) et non sur lutilité sociale des dépenses pour une dynamique de developpement éco-responsable. Ce discours dominant est créateur de malaise car il ignore une réalité essentielle pour faire vivre le contrat social : les dépenses publiques peuvent être un précieux levier de croissance et un facteur majeur de réduction des inégalités. Il convient donc de réhabiliter lutilité des interventions publiques et de développer des efforts d’économie et de productivité qui soient empreints dune considération positive sur leurs rôles et effets.

Réhabiliter lintervention publique suppose de respecter lidée même dEtat, au sens large du terme, celui de la philosophie politique, qui englobe les autres institutions publiques, les collectivités territoriales notamment qui exercent une partie de ses attributions.

Fruit dun long processus historique, lEtat est sensé apporter – tout au moins dans les sociétés démocratiques modernes – la paix, lordre et la stabilité. Il est une personne juridique productrice de droit qui détient la capacité dimposer des normes juridiques de manière unilatérale. Il est régulateur de l’économie, du lien social, protège les plus faibles, et impulse le développement. Il représente la nation, cette conscience collective et ce sentiment dappartenance volontaire, cet esprit dun peuple qui aspire à liberté, selon la conception républicaine. Cette puissance souveraine peut devenir centralisatrice, contraignante, porteuse dune tentation totalitaire mais aussi, parfois, être unificatrice pour un peuple, protectrice pour les plus faibles, libératrice pour le citoyen. LEtat est souvent une idole qui broie de serviles sujets, un monstre totalitaire qui impose sa loi, un pouvoir dictant des valeurs mettant en cause la liberté de penser. Il peut aussi être un être vivant, lincarnation sociale de la Raison, lexpression de lesprit dune nation, un acteur majeur de lidéal démocratique, un lieu de décisions politiques permettant de dépasser lopposition entre luniversel et le particulier.

Le pouvoir dEtat est abstrait. Il sincarne dans des personnes individuelles mais ne se confond pas avec elles. Il est aujourdhui, autant sinon plus, nécessaire à l’équilibre dune société menacée par les forces de désintégration et dimpuissance dune mondialisation – symbole vivant de lhégémonie du système capitaliste – ou les carences démocratiques dune construction européenne qui évoluerait vers un fédéralisme.

Depuis Adam Smith, les approches ont évolué. La « main visible » du pouvoir politique a dû relayer ou remplacer la « main invisible » du marché. Un système mondial d’économie de marché sest développé dans un système capitaliste dominant, teinté de social-démocratie plus ou moins forte selon les nations. Lhistoire économique et sociale des deux derniers siècles a été ponctuée de mouvements de progrès sociaux et de luttes pour des droits fondamentaux qui ont rendu nécessaire des interventions publiques de plus en plus large. Plusieurs étapes successives propres à lhistoire contemporaine de la France ont construit un édifice dinterventions publiques de valeur, même si subsistent des marges importantes de progrès en matière defficacité.

Aujourdhui, le service public nest plus pensé comme maléfique pour lentreprise individuelle, le développement économique et les libertés humaines. Il représente un coût que supporte la société pour répondre aux nécessités prioritaires. Il est une part de la production nationale qui satisfait les besoins humains fondamentaux. Lenjeu de laction publique est d’établir la rencontre efficace entre :

  • les nécessités prioritaires pour la nation et chacun de ses territoires ;
  • les besoins humains fondamentaux qui  relèvent dune prise en charge par la société ;
  • les services publics appelés à apporter des réponses de qualité, au niveau correct dintervention (local, national, européen), selon les modalités de tarification adaptées aux choix politiques (de la gratuité jusquau prix de marché).
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Depuis quelques décennies, face aux dérives liées à la mondialisation croissante de l’économie (libre circulation des marchandises et des capitaux, rôle des firmes multinationales, révolutions apportées par linternet), face aux dérégulations aux effets dévastateurs des dérégulations et face aux crises résultant des pratiques financières mondiales, les interventions publiques apparaissent comme stabilisatrices et fondamentales : elles restent toujours nécessaires mais, à lheure des plans daustérité, sont devenues beaucoup plus difficiles à mettre en oeuvre.

Même si des marges de meilleur emploi des dépenses publiques existent et doivent inlassablement être utilisées dans le cadre de démarches de réformes, les dépenses publiques constituent un levier de développement essentiel pour un pays démocratique soucieux de justice.

Les interventions publiques non comme un volet de l’économie de marché mais comme un élément d’équilibre au service de fonctions collectives essentielles : la santé, l’éducation, les transports, le logement, etc. Ces domaines ne peuvent être assurés correctement par le jeu, même régulé, du marché capitaliste. Ils nécessitent une intervention collective forte, organisée, durable. Il revient donc aux pouvoirs publics de piloter loffre de services publics, même si celle-ci associe des opérateurs privés aussi bien que publics.

Face à la crise, lesprit de service public construit en France sur la base des luttes menées depuis le XIXème siècle, nous démarque de nombre dautres nations et nous permet de faire face à la crise de manière plus solidaires que dans dautres pays engagés dans la compétition mondiale.

Les dépenses publiques concourent pour plus dun quart à la richesse nationale et font appel à un cinquième de la population. Laction publique ne saurait être considérée comme une charge dont il faudrait à tout prix limiter le coût. Elle devrait plutôt être vue comme une donnée contribuant à la prospérité du pays, au renforcement de lintérêt général, au bien-être de ses habitants, à laccomplissement des personnes.

Les interventions publiques permettent :

  • la satisfaction dun droit fondamental que le marché ne peut pas assurer ;
  • la réponse à un besoin social et non à une demande solvable par définition inégalitaire ;
  • le pilotage collectif et si possible anticipateur (alors que le marché est myope).
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En terme de production économique, le volume des réponses aux besoins collectifs (éducation, santé, sécurité, logement, etc.) est tout aussi importante que celui des activités marchandes. Il représente une part significative du PIB (20 %) estimée au coût des facteurs, à laquelle sajoute environ 5 % de production marchande (énergie transport).  Ces interventions publiques jouent un rôle capital dans le développement du pays et de ses habitants, dans quatre domaines essentiels :

  • le développement humain (santé, éducation, etc.) ;
  • le soutien à la vie quotidienne (minima sociaux, action sociale, famille, logement, services des réseaux de transport, d’énergie et de communication) ;le fonctionnement de la démocratie (sécurité, justice, systèmes dinformation et d’échange) ;
  • les bases du développement économique (recherche, infrastructures.
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La dépense publique est un précieux facteur de croissance. Pour le mesurer, il importe de souligner que les notions de dépenses publiques et de dépenses privées sont distinctes de celle de produit intérieur brut. La dépense publique s’élève à 56 % du produit intérieur brut. Le total de la dépense privée des ménages et des entreprises, quant à elle, si elle était calculée comme les dépenses publique serait estimée à plus de 200 % du PIB. En rapportant la dépense publique au PIB, on la compare à une grandeur familière. Cette mise en relation nest pas infondée en soi. Encore faut-il ne pas se méprendre et laisser penser que le PIB serait consacré à 56 % pour les dépenses publiques, ce qui laisse entendre – de manière erronée – quil ne resterait que 44 % seulement du PIB pour les dépenses privées.

La dépense publique comprend deux principales composantes : la production de services publics, dune part, et la délivrance de prestations sociales, dautre part .

Les fonctionnaires contribuent au PIB. La différence avec le privé est que leur production est en accès gratuit. Mais cette production doit être payée, et elle lest par limpôt. La valeur ajoutée par les administrations s’élève à 375 milliards, soit 16 % du PIB (dont 270 milliards en rémunération des agents publics, soit 12,5 % du PIB, le reste finançant le renouvellement du capital public). Il sagit bien ici dune part du PIB, et elle est stable depuis 1980.

Le second grand volet est constitué par les prestations sociales (retraites, allocations familiales, chômage, RSA…) et les transferts sociaux (remboursement des consultations et des médicaments, allocation-logement…). Cest la plus grande part : 591 milliards (dont plus de 300 pour les retraites et seulement 11 pour le RSA), soit près de la moitié de la dépense publique. Ces prestations et transferts ne paient pas des fonctionnaires. Ils soutiennent massivement la dépense privée des ménages auprès des entreprises (consommation des retraités, paiement des loyers aux propriétaires, etc.).

Durant les « trente glorieuses », la dépense publique rapportée au PIB a peu augmenté : de 37 % en 1959 à 40 % en 1974. Cela ne signifie pas que, pendant cette période, cette dépense naugmentait pas. Elle croissait vivement, au contraire, de manière proportionnelle aux salaires nets. Cela a permis de soutenir la demande et le PIB. Doù, finalement, un ratio relativement stable de dépenses publiques rapportées au PIB.

Dans certains pays, la dépense publique est plus faible. Cest le cas lorsque les autorités font le choix de recourir plus amplement au privé pour la santé et les retraites. A la fin de chaque mois, les entreprises paient certes moins de charges sociales, mais, parfois, des charges privées complémentaires pour aboutir à des niveaux de couvertures égales à celles existantes, par exemple, en France (contributions aux assurances privées et aux fonds de pension). Si les entreprises nassurent pas cette charge complémentaire, ce sont les individus qui doivent supporter cette dépense. Ces pays sen portent-ils mieux ? Lespérance de vie à la naissance aux Etats-Unis, pour ne citer que ce chiffre, est inférieure de deux ans et demi à celle observée en France.

La dépense publique soutient lactivité et elle joue aussi un rôle majeur, et souvent méconnu, dans la réduction des inégalités. En France, les 20 % les plus riches ont huit fois plus de revenus primaires (salaires, revenus du patrimoine) que les 20 % les plus pauvres. Le jeu des impôts directs (limpôt sur le revenu notamment) et des cotisations réduit cet écart à sept. Bien plus que par les prélèvements, cest par la dépense publique que les inégalités sont réduites. On passe finalement à un écart de trois entre les plus riches et les plus pauvres, grâce aux prestations sociales et à la consommation de services publics. Il est donc temps de porter un regard neuf sur la dépense publique.

Insistons sur un point sensible qui sera dans le champ de cette démarche dexplication de notre contrat social : en matière de dépenses publiques, depuis que linjonction de réduction des dépenses publiques est assenée, personne nest capable de proposer un périmètre de dépenses publiques utiles, clairement fixé et compréhensible. Or, cette clarification est indispensable et ne peut provenir que de démarches de réflexion publique de fond telle. Elle doit notamment permettre que les français ne soient plus trompés par le discours affirmant que les dépenses publiques représentent 56 % du PIB en laissant sous-entendre – de manière erronée – quil ne resterait que 44 % seulement de la richesse nationale disponible pour les dépenses privées. Or, le total de la dépense privée des ménages et des entreprises, quant à elle, si elle était calculée comme les dépenses publiques, représenterait plus de 200 % du PIB !

Cette clarification doit aussi poser un regard objectif sur laction publique : les services publics sont productifs et augmentent le PIB ; la dépense publique soutient massivement linvestissement et la consommation, lesquels déterminent le montant du PIB. Cette reconnaissance est totalement compatible avec une exigence d’économie et de productivité des dépenses publiques, dans le cadre dun périmètre clairement tracé, comme exprimé précédemment. Les dépenses publiques demandent évidemment à être remises à plat (certaines aides aveugles aux entreprises ou de nombreuses niches fiscales sont-elles fondées ?) à linstar des dépenses privées (les rémunérations exorbitantes des dirigeants des grandes firmes sont-elles légitimes et signes defficacité ?).

Cest ainsi que limpôt trouvera son sens aux yeux des contribuables.

Sentiment d’équité fiscale et confiance dans lutilisation de largent public

En 2023, pour le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) (organisme associé à la Cour des comptes qui est chargé dapprécier l’évolution et limpact économique, social et budgétaire de lensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative à ces prélèvements), l’institut de sondage Harris Interactive a interrogé un échantillon représentatif de 2.049 personnes âgées de 18 ans et plus. De cette enquête, il ressort que 75% des Français interrogés estiment « trop élevé » le niveau dimposition en France. 21% le considèrent au bon niveau et seulement 3% le jugent trop bas.

Interrogés sur les impôts qu’ils paient à titre individuel, les Français interrogés sont toutefois moins nombreux (63%) à considérer que les impôts sont trop élevés, et à l’inverse, plus nombreux (33%) à juger « bon » le niveau des impôts.

Autre enseignement du sondage : 67% des sondés se déclarent « insatisfaits de lutilisation qui est faite de largent public ».

En dépit de ces opinions négatives, 79% des répondants saccordent pour reconnaître que payer ses impôts « constitue un acte citoyen ». En outre, « seule une minorité des sondés accepterait une baisse des dépenses publiques contre une baisse de leurs impôts ».

Une grande majorité des personnes interrogées pensent quil est possible daméliorer le niveau des services publics sans augmenter les impôts.

Seuls 32% des Français interrogés « font confiance à l’État pour utiliser efficacement largent public ». Mais la confiance grandit « à mesure que le niveau de gouvernance se rapproche du citoyen », observe le CPO. Le taux de confiance s’établit ainsi à 58% pour les départements et les régions et à 68% pour les communes.

D’après la note du CPO, « la confiance dans les institutions », « le sentiment d’équité fiscale » et « la satisfaction quant à lutilisation de largent public » sont les facteurs qui influent le plus sur le degré d’acceptation de l’impôt par les citoyens.

Pour renforcer le consentement à limpôt, le CPO recommande notamment d« améliorer linformation des contribuables sur la façon dont est utilisé largent public et de les sensibiliser davantage au contrôle de cette dépense ».

Inégalités sociales

La croissance est faible depuis des décennies et lUnion européenne peine à jouer son rôle dunion de nations au service de politiques communes de plus en plus larges favorisant la relance par les investissements. Il sensuit une crise du pouvoir dachat, principalement des bénéficiaires de bas salaires et des classes moyennes.

La question sociale est dramatiquement en danger, dans ses deux dimensions de quête de lintégration et dorganisation de la solidarité. Certes, un système social est toujours marqué par l’inégalité des revenus : aucune société n’a jamais rémunéré de façon identique l’ensemble de ses membres. Mais cette inégalité peut être plus ou moins forte et peut s’accentuer ou se réduire. Jusqu’ici, la tendance séculaire était plutôt à la réduction des inégalités : ce processus s’est accentué dans tous les pays capitalistes entre 1950 et 1980, sans doute comme résultat des luttes sociales et de l’amélioration de la protection sociale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : à quelques rares exceptions près, ce mouvement séculaire paraît interrompu, voire inversé. Les inégalités de revenus d’activité ont recommencé à se creuser et la protection sociale, même lorsqu’elle se fixe pour objectif d’en limiter les effets – ce qui n’est pas toujours le cas –, n’y parvient guère.

Précarité

La grande pauvreté s’affiche au cœur même des sociétés les plus riches.

Les transformations du marché du travail ont incontestablement joué un grand rôle, mais d’autres facteurs doivent également être pris en compte, les uns économiques, les autres sociologiques. Dans nombre de pays, le chômage de masse s’est progressivement installé au cours des quarante dernières années, au point de faire désormais partie du paysage. Or, qui dit chômage, dit baisse des revenus. A ce phénomène, en quelque sorte mécanique, s’en ajoute un autre : la montée des emplois temporaires. Le déclin du syndicalisme et la croissance de l’emploi dans les petites structures, où les rapports de force sont bien différents de ce qu’ils sont dans les grandes entreprises, ont sans doute renforcé cette tendance à des emplois plus précaires. Mais d’autres causes aussi ont joué, liées à des transformations du système productif lui-même qui poussent à un emploi plus flexible. Les effets de la mondialisation tendent à élargir substantiellement l’éventail des revenus. D’un côté, les rémunérations des salariés du haut de l’échelle progressent, car ce sont souvent les compétences de ces salariés qui fournissent aux entreprises l’avantage concurrentiel qui leur permet de percer sur le marché mondial. A l’autre bout de la chaîne, ceux qui font un travail susceptible d’être délocalisé sentent s’appesantir la pression : gains de productivité et progression aussi limitée que possible des salaires et des avantages sociaux réduisent le nombre d’emplois et le niveau des rémunérations du personnel d’exécution dans les activités soumises à une concurrence par les prix.

Au total, dans la pyramide des rémunérations, ceux du haut de l’échelle sont tirés vers le haut et ceux du bas de l’échelle le sont vers le bas. La pyramide s’élève certes, mais en même temps, sa base tend à s’élargir. Dans les sociétés de vieille industrialisation, confrontées à la mondialisation, les écarts entre catégories se creusent et la pauvreté s’accentue bien que la richesse globale s’accroisse. Aujourdhui, les mécanismes d’égalisation sont, ainsi, à peu près grippés. Ce qui engendre frustration, violence et insécurité. En effet, plus la société est libérale au sens économique du terme, cest-à-dire tolérante à la montée des inégalités sous leffet des forces du marché, moins elle peut être libérale au sens politique et social. La croissance des inégalités se traduit aussi par laugmentation de la violence sociale, qui appelle la répression. Les progrès de linégalité tendent ainsi à entraîner un recul des libertés. Or, la principale raison d’être de la politique serait de défendre le principe d’égalité en ouvrant un avenir commun à lensemble de la population.

Montée des inégalités territoriales et décrochage grandissant de nombre de quartiers de centres urbains

La notion constitutionnelle d’égalité s’entend comme un droit pour les individus mais aussi comme une problématique des territoires. Cette acception est prise en compte, en France, dans le cadre de la politique daménagement du territoire. LÉtat détient la responsabilité de la cohésion nationale et, à ce titre, a la tâche de réduire les inégalités territoriales. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré le principe suivant : « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser légalité entre les collectivités territoriales ».

Or, en France, les inégalités territoriales sont croissantes, et il sagit dun motif de malaise qui samplifie depuis des décennies. Lun des principaux facteurs de  ce constat tient au fait que l’économie française sest fortement désindustrialisée depuis plus dune trentaine dannées. La part de lindustrie dans la valeur ajoutée totale a baissé fortement dans toutes les régions mais seules certaines ont réussi à opérer une réorientation de leurs activités économiques. Selon certaines analyses, cet écart de performance tient à la taille des territoires et, selon certaines analyses, ceci sexpliquerait par le fait que, entre les petites et les grandes agglomérations, divers facteurs seraient en jeu :

  • des effets de structure en termes de population active et dactivité. Les grandes aires urbaines disposent dune population plus diplômée et ont un monopole sur certaines activités de service à haute valeur ajoutée, ce qui renforce leur attractivité pour les populations qualifiées ;
  • des effets de rendements, associés aux externalités positives de connaissance et de circulation de linformation permises par la densité urbaine. La littérature économique met en évidence un gain de productivité lié à la densité. Au total, la différence de productivité entre les villes les plus denses et les moins denses serait denviron 10 %.
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Cette approche explicative, teintée d’idéologie de la métropolisation, fait croire que la compétitivité de la France ne reposerait que sur les métropoles et que le reste du territoire serait totalement dépendant de ces zones urbaines denses.

Or, si les gains relatifs aux agglomérations sont avérés, la seule concentration de population ne suffit pas à engendrer la performance. Parmi les grandes aires urbaines, certaines ont connu une augmentation rapide de lemploi entre 2007 et 2017 (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon), tandis que dautres voyaient lemploi baisser (Douai-Lens, Rouen, Strasbourg, Nice, Toulon). Les facteurs de la réussite dune métropole sont multiples et complexes : spécialisation initiale, étendue des champs dactivité (notamment dans les fonctions tertiaires dites supérieures), concurrence avec dautres villes locales, présence de clusters et de pôles de compétences, ou encore gouvernance locale.

La concentration de la population a des effets négatifs. Par exemple, la densité de population entraîne des effets de congestion : problèmes de transports, de pollution ou de sécurité, prix de limmobilier élevés. Ces effets appellent des mesures correctrices ou engendrent des charges qui génèrent des coûts supplémentaires se répercutant sur les prix et les salaires locaux.

L’analyse de la géographie territoriale peut conduire à nuancer le lien de causalité entre le phénomène de métropolisation et celui d’inégalités. Il y aurait une différenciation territoriale des inégalités beaucoup plus qu’une coupure entre les métropoles et le reste des territoires. D’ailleurs, les inégalités les plus graves se retrouvent au sein des métropoles, avec les phénomènes de ghettoïsation des quartiers dits sensibles, objet de la politique de la ville. Si rien navait été fait en ce domaine, la situation serait pire. Ce qui a été entrepris nest cependant pas encore à la hauteur des fractures constatées.

Ceci conduit à penser que les zones rurales et les zones urbaines dévoient être liées et reliées – et les conseils départementaux ont, à cet égard, un rôle d’équilibrage essentiel – comme le soulignent certains auteurs pour qui « la fracture qui se dessine n’est pas entre les métropoles et le reste du pays mais plutôt entre les systèmes productivo-résidentiels (SPR) dans lesquels villes et hinterlands sont mariés pour le meilleur ou pour le pire ».

Les tensions récurrentes en matière de stratégie d’aménagement du territoire au regard du principe d’égalité territoriale dépend des réponses apportées aux trois questions suivantes : la réduction des dépenses publiques ne risque-t-elle pas d’amplifier les déséquilibres territoriaux ? Faut-il concentrer l’investissement public dans les zones les plus productives ? Quelle offre de service public minimale doit être garantie sur lensemble du territoire ?

Urgence climatique

Enfin, citons un autre motif majeur de crispation : l’augmentation alarmante des émissions de gaz à effet de serre mondiales, observée depuis des décennies, dont l’origine est majoritairement imputable à la consommation de combustibles fossiles et autres produits nocifs pour la planète.

Modèle mercantile de notre société

La montée de lindividualisme, évoquée ci-dessus, peut-être mise en relation avec l’évolution de notre société vers un modèle de plus en plus mercantile. Une société qui semble vouloir transformer les citoyens en des consommateurs sans cesse frustrés ou de « petits soldats » de l’économie soumis à la loi du profit. En effet, limaginaire « globalitaire » promu par la mondialisation tend à réduire lhomme à son utilité économique et récuser a priori toute idée de transcendance, tout pas supplémentaire vers une humanité plus profonde. Avec la mondialisation, il ny a pas de « rêve » en suspens. La mondialisation rabat lhomme sur sa vie quil lui faut réussir à tout prix. Instituée en véritable politique, cette mondialisation ou globalisation creuse pourtant à marche forcée les inégalités entre le Nord et le Sud, tout comme à lintérieur dune nation comme la nôtre.

Menace terroriste et les confusions quelle dévoile

Un autre signal de malaise occupe les esprits : la menace terroriste et ce quelle suscite comme réactions dans notre société.

En effet, les récentes vagues terroristes suscitent de fréquents amalgames, principalement entre les notions d’extrémisme et de fanatisme, de fondamentalisme et de dérives radicales. Elles posent, selon certains, la question du rapport entre la République et les religions. Elles suscitent, chez dautres, un soi-disant  « retour du religieux » supposé fondé sur la montée en visibilité de lislam. Elles donnent lieu, parfois, à des préjugés, stigmatisations ou intolérances qui reflètent une vision caricaturée de la croyance religieuse, et de la foi musulmane en particulier : en 2017, 62 % des français pensaient que lislam représentait une menace pour la République, contre 56% en 2009.

Ces caricatures provoquent des comportements islamophobes. Elles créent une confusion entre les valeurs communes, les conditions du vivre-ensemble et lexpression de linter-culturalité. Les valeurs de la République sont invoquées, la laïcité est mise en scène, l’expression religieuse est en jeu.

Dans le même temps, les supposés esprits forts rivalisent de sarcasmes sur Dieu, ses caricatures et ceux qui croient en lui. Dieu serait sorti de l’Histoire. L’humanité aurait été libérée de Dieu.

Le djidahisme serait-il le retour périlleux du religieux – auquel une « campagne de laïcité » serait le remède – ou bien signerait-il le symptôme dun refoulement de lidéal dans un monde qui a perdu sa propre boussole ? La flambée terroriste serait-elle une menace venant de lislam ou un signe de la crise des sociétés développées qui ont des modes de vie – et donc de croire – qui friseraient linsensé ?

Ce jaillissement de questions laisse percevoir une profonde crise de sens, caractéristique de notre époque.

La lutte contre la radicalisation impose des améliorations dans la dynamique dintégration sociale et professionnelle. Elle suppose un modèle de développement solidaire. Elle nécessite un idéal de vie en commun reposant sur le respect, lacceptation et la compréhension de lautre, la sobriété et le partage. Car lattention portée à ce qui oriente le projet de société et l’éloigne des crédulités consuméristes et productivistes, permet de recadrer les croyances folles.

Dans la lutte contre la radicalisation, la laïcité est une réponse nécessaire mais non suffisante car, au-delà des moyens sécuritaires et de la dynamique dintégration sociale et professionnelle, cest notre « société du vide » qui doit surmonter la crise de sens qui sécrète la violence. »

Ce que signifie ce malaise profond

Apres ce survol de divers symptômes de crise qui ont agité ces dernières décennies, nous pouvons avancer dans la compréhension des causes du malaise qui se développe au plus profond de la société française.

Ce qui permet la vie en société, cest de savoir sortir de soi, pouvoir souvrir à lautre, vouloir partager collectivement. Lespace politique est normalement le lieu dun destin commun, inspiré par un idéal de vie commune, tourné vers ce qui constitue un Bien commun. Or, notre société peine à cultiver un idéal car elle est devenue une négociation de « petits marchands ». Elle a perdu laltérité, doù le repli communautariste, avec tous ses fruits vénéneux.

La survie de la société, son développement, sa cohésion appellent des réponses profondes. Elles nécessitent des repères quant au sens de lexistence et des liens sociaux. Or, la société ne répondra pas au sens de nos vies et de créera pas des liens plus solidaires avec des algorithmes, des smartphones, des promesses économiques, de simples transformations institutionnelles ou des illusions politiciennes. Notre crise majeure nest ni seulement économique, financière, sociopolitique, géopolitique : cest dabord une crise existentielle due à labsence douloureuse de vision de la dignité humaine, de la justice sociale, de l’équilibre écologique et de la cohésion sociale qui seraient partageables entre tous.

Lun des visages du totalitarisme, lune des conspirations terribles, tyranniques et secrètes sont aujourdhui la condamnation de l’être humain à une existence sans aucune verticalité, en rupture avec la nature, sans grande fraternité, mais seulement consacrée au consumérisme et au productivisme. Or, le consumérisme et le productivisme sont lexpression de croyances dans la part absolue des produits marchands dans le bonheur. ils sont des marques de crédulité, dillusion ou didolâtrie de notre époque, le signe dun désespoir, dune détresse ou dune amertume, le symptôme dune vacuité humaine, dune « société du vide », dune « ère du vide » incapable de répondre aux aspirations profondes des êtres. Ces croyances génèrent une crise existentielle, une panne de sens, un mouvement de déshérence exacerbé par les défaillances de notre société : en premier lieu, le manque demplois, les défauts dinsertion dans le monde du travail, les efforts insuffisants en faveur de l’éducation et de lanimation extra-scolaire dans les quartiers difficiles, les lenteurs dans la prise en compte des défis écologiques, les lacunes de laide à la parentalité, les faiblesses de la sécurité et les lenteurs de la justice.

Doù limpérieuse nécessité de retrouver le sens dun contrat social au service du Bien commun, de rechercher un modèle de développement équilibré, dapprofondir la démocratie locale et den finir avec de fausses bonnes idées.