Quelle participation du citoyen aux actions publiques ?

Pour les décideurs, la démocratie locale exige, la garantie d’informations accessibles, d’une organisation intègre et de délais raisonnables, afin de permettre une concertation appropriée avec les citoyens concernés par les projets publics.

citoyenne précoce sur « le projet avant le projet » est cruciale pour évaluer toutes options, y compris l’inaction. Les principes d’une « administration délibérative » incluent l’accessibilité des informations, la loyauté de l’organisation, et des délais raisonnables pour l’expression citoyenne.

La CNDP et des dispositifs locaux innovent en participation publique, comme le forum ouvert. Le droit d’initiative citoyenne et la modernisation des consultations enrichissent la démocratie participative, appelant à une implication plus directe des citoyens dans les décisions publiques.

Expression des citoyens sur « le projet avant le projet »

Il est souvent relevé que la participation des citoyens ne porte jamais sur « le projet davant le projet », celui qui est encore possible alors même que toutes les options restent ouvertes, y compris celle de ne rien faire, celui dont le fondement mérite d’être évalué avant denvisager les moyens dy répondre. Cest pourquoi, nombre dacteurs publics saccordent à reconnaître la nécessité de concertations ouvertes très précoces, intervenant le plus en amont possible de la procédure d’élaboration de la décision, pour alléger au maximum les consultations daval des organismes, souvent formelles et de faible portée sur le contenu de la décision qui va être prise ou de la réforme qui va être adoptée.

Les principes de « ladministration délibérative » reposent sur des exigences de concertation préalables aux prises de décision que, sur les bases dun rapport du Conseil d’État datant de 2011, il est possible d’énoncer comme suit :

  • garantir laccessibilité des informations ;
  • assurer le dépôt des observations de tous les participants et favoriser leur diffusion ;
  • garantir limpartialité et la loyauté de lorganisateur de la concertation et mettre en place, chaque fois que nécessaire, un « tiers garant » ;
  • assurer des délais raisonnables aux citoyens ou aux organismes représentatifs pour sexprimer ;
  • veiller à la « bonne » composition des organismes consultés ;
  • donner les informations sur les suites projetées, dans un délai proportionné à limportance de la réforme.

En l’état de la législation en vigueur, le code de lenvironnement offre la possibilité dorganiser une concertation préalable à lenquête publique lorsquelle nest requise par aucun texte. Cette disposition permet de poser le débat sur lopportunité du projet.

De plus, des dispositifs originaux sont mis en œuvre par la commission nationale du débat public (CNDP) ou par des autorités locales qui rénovent les mécanismes participatifs : forum ouvert, conférence citoyenne ou débat numérique, par exemple.

Le code de lenvironnement organise plusieurs types de procédures destinées à assurer linformation et la participation du public. Trois principaux champs de participation sont prévus dans le droit actuel :

  • le Code de lenvironnement prône la participation du public aux décisions ayant un impact sur lenvironnement et fixe les droits que cette participation confère au public ;
  • la concertation en amont du processus décisionnel se renforce, notamment par l’élargissement du débat public aux plans et programmes, la création dun droit dinitiative citoyenne (cf. infra), lattribution de compétences nouvelles à la Commission nationale du débat public (CNDP) et le renforcement de la procédure facultative de concertation préalable pour les projets et les plans et programmes hors du champ du débat public ;
  • la modernisation des procédures de concertation en aval, en généralisant la dématérialisation de lenquête publique tout en tenant compte de la fracture numérique qui touche encore certains de nos territoires et en réaffirmant limportance de la présence du commissaire-enquêteur.

Droit dinitiative citoyenne

Ce droit dinitiative citoyenne constitue une modalité de participation du public « le plus en amont possible » dans le processus d’élaboration dun projet.

En vertu de ce droit, 10 000 citoyens (dont les ressortissants de lUnion européenne résidant en France), 10 parlementaires, une collectivité ou une association agréée au plan national peuvent désormais saisir la Commission nationale du débat public (CNDP) pour demander un débat public ou une concertation préalable sur un projet dampleur nationale.

En outre, 20 % des citoyens des communes dont lenvironnement serait affecté par un projet, une collectivité, une association agréée au plan national ou deux agréées au niveau départemental, par exemple, pourront saisir le préfet pour demander lorganisation dune concertation préalable sur un projet susceptible dimpacts notables sur lenvironnement.

La CNDP sera appelée à désigner des « garants de la concertation » pour des projets bénéficiant de plus de 10 millions deuros de crédits publics, ainsi que pour les plans et programmes régionaux ou infrarégionaux.

Le financement des débats publics sera effectué par le maître douvrage via un fonds de concours versé à la CNDP.

Droit de pétition

Certains veulent aller encore plus loin et prônent l’élargissement des possibilités de recours au droit de pétition comme forme dinterpellation citoyenne.

Précisons que le droit de pétition, prévu dans la Constitution depuis 2003, est en vigueur pour les collectivités doutre-mer régies par larticle 74 de la Constitution : aujourdhui, la Polynésie, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon sont les seules à en bénéficier. Ce droit na pas encore été adapté à la métropole.

Pour pallier cette situation, la ville de Paris a mis en place un système de pétition en ligne permettant la saisine du conseil de Paris dès lors que le seuil de 5 000 signatures de Parisiens majeurs est franchi dans une période dun an. Le juge administratif a estimé que les conditions dexercice de ce droit dinterpellation étaient distinctes de la procédure de larticle 72-1 de la Constitution. Ce dispositif, tout comme celui du département dIlle-et-Vilaine ou de la région d’Île-de-France, a du mal à fonctionner aujourdhui en pratique.

Notons, enfin, quil existe un droit de pétition auprès du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il ne fonctionne cependant pas, en raison dun seuil extrêmement élevé de 500 000 signatures exigées.

Dispositifs participatifs et gestion de la relation avec les citoyens

Certains analystes estiment que la participation des citoyens et des administrés à la préparation de la décision publique ne serait pas encore suffisante. La démocratie participative ne toucherait quun nombre restreint dhabitants.

La faible audience des procédures de budget participatif en témoignerait :

        • sur le modèle du budget participatif mis en œuvre en 1989 à Porto Alegre (Brésil), Paris a, dès 2014, invité ses habitants à prendre part à l’élaboration de son budget municipal. En 2016, selon des méthodes de vote électronique et de vote traditionnel, ce mode de participation a mobilisé 92 000 votants, soit 7 % du corps électoral pour un budget de 94,4 millions deuros ;
        • à Grenoble également, depuis 2015. La procédure de budget participatif (800 000 €), réalisée selon des modalités de vote traditionnel, aurait obtenu 998 votants sur 100 000 électeurs en 2015, soit 1 % du corps électoral.

De manière générale, les technologies de linformation et de la communication ouvrent un champ, encore largement inexploité, au développement de la démocratie directe et participative. La gestion de la relation avec les citoyens peut se déployer sur la base dun écosystème digital que quelques administrations locales commencent à déployer. Pour mieux répondre aux besoins des usagers, des outils et des stratégies numériques sont de plus en plus adoptés par les collectivités.

Le principal facteur de transformation touchant aujourdhui les relations administration-administrés vient des citoyens eux-mêmes qui, davantage agiles, disposent désormais de capacités de connexions renforcées et dinteractivité. En effet, la plus grande part des Français se connectent à internet à domicile (83 %). Une majorité de Français détiennent aujourdhui un téléphone portable (taux de lordre de 58 % en 2016), ce qui modifie les comportements. Leurs attentes et exigences vis-à-vis de ladministration se font plus pressantes.

Les collectivités locales françaises prennent en compte ces nouvelles tendances et investissements dans les contenus et les moyens transactionnels « en tout lieu, à nimporte quel moment, sur nimporte quel support et pour tout type de contenu ».

Cependant, à ce jour, en raison des retards structurels de loffre accessible en ligne, les canaux d’échanges classiques lemportent encore sur le numérique. La compilation des études récentes souligne que :

        • les modes de contact des administrations locales demeurent classiques ;
        • le présentiel (25 %), le courrier postal (20 %) ou encore les échanges par téléphone (19 %) demeurent toujours les principales voies daccès ;
        • les voies daccès numériques progressent rapidement, mais restent au second plan avec le courrier électronique (18 %), les échanges Web (14 %) et les réseaux sociaux qui plafonnent à 4 %.

Cette prédominance des voies classiques explique les formes dinsatisfaction exprimées par les usagers, qui pointent le manque de personnalisation de la relation et la complexité des parcours. Ils citent aussi assez fréquemment laccessibilité des services, lefficacité de linformation ou encore le manque de réactivité. Ces constats sont bien connus des décideurs publics locaux puisque dans les orientations stratégiques du service public pour 2016, la relation aux usagers arrive désormais en tête des priorités avec 88 %.

Le numérique apporte des solutions étendues autour de la notion de guichet unique, mais impose également des réorganisations assez profondes de ladministration, notamment en matière de gestion des flux. Les premières transformations, surtout opérées aujourdhui dans les grandes villes, portent principalement sur quatre points :

        • le développement des téléservices ;
        • la création de guichets daccueil polyvalents ;
        • la mise en place de centres dappels téléphoniques ;
        • une gestion des flux pour accroître la transparence et les interactions.

Méthodes de co-conception de laction publique

Les collectivités territoriales sont appelées à trouver des solutions qui permettent de réussir les mutations qui simposent dans leurs domaines de compétences. Ce besoin trouve aujourdhui des réponses dans des méthodes de co-conception (design public) qui saffirment comme une des démarches permettant de mieux faire participer les citoyens à la production de laction publique.

Les méthodes de co-conception visent, sous la responsabilité dun exécutif local, à produire des améliorations de laction publique par un travail dintelligence collective associant les futurs bénéficiaires des projets.

Dans les champs des politiques publiques, linnovation nest pas nécessairement synonyme dinvention inédite. Elle consiste le plus souvent à trouver des solutions pertinentes, cest-à-dire capables dopérer des mutations organisationnelles, financières, sociétales, environnementales, économiques ou sociales et susceptibles de répondre à des enjeux majeurs dintérêt public. Les solutions sont dautant plus innovantes quelles résultent dun processus de conception, production et mise en œuvre qui associe les acteurs et les bénéficiaires, de manière collaborative. Les acteurs publics doivent apprendre à déployer des démarches dinnovation publique locale de ce type, développer la créativité dans les processus de conception et mobiliser lintelligence collective.

Le plan daction national pour la France, adopté par le gouvernement, « pour une action publique transparente et collaborative 2015-2017 », rejoint directement cette thématique de co-conception de laction publique avec les usagers. Il affirme le besoin de :

        • donner aux citoyens de nouveaux moyens de participer à la vie publique en les associant à lidentification de problèmes à résoudre ;
        • capitaliser sur les consultations menées et rénover les dispositifs dexpression citoyenne.