Il est possible de parler de l’importance cruciale de la sécurité, de la tranquillité et de l’ordre dans le contrat social passé en France sans réduire la République à ces seules valeurs, sans en faire le prétexte pour un Etat « nationaliste » et sans lui donner un contenu « identitaire » xénophobe.
Il ne peut y avoir de société ou de justice sans la sécurité publique. Cette notion a aujourd’hui essaimé dans tous les champs de la vie sociale : de la sécurité juridique à la sécurité sanitaire en passant par la sécurité routière, ferroviaire, aérienne, maritime, par la sécurité de l’emploi, la sécurité publique, la sécurité nationale, la sécurité civile, la sécurité privée, la sécurité intérieure, la sécurité globale.
La diversité d’acteurs et l’enchevêtrement d’attributions entre eux posent des problèmes de répartition des compétences entre niveau local et national, entre police administrative générale et spéciale.
La sécurité dans le pacte social
Les théories du contrat ou du pacte social se sont élaborées au cours du XVIIe et du XVIIIe siècle.
Thomas Hobbes (1588-1679) expose sa conception du contrat social dans son ouvrage « Le Léviathan », ce monstre biblique dont il est dit qu’aucune puissance sur Terre ne lui est comparable. Le système de Hobbes repose sur un double postulat : les hommes sont égoïstes et ne recherchent que leur satisfaction individuelle ; ils sont égaux car même le plus faible peut menacer la sécurité du plus fort.
L’état de société est rendu nécessaire par l’insécurité de l’état de nature. Pour lui, la seule façon de s’unir, c’est de se soumettre à une autorité commune. Le contrat consiste à accepter une obéissance inconditionnelle à cette autorité, afin d’échapper à la violence de la guerre de chacun contre chacun.
Contrairement à Thomas Hobbes, Jean Locke (1632-1704) pense que l’état de nature n’est pas un état de guerre, car l’homme est un être raisonnable. Mais trois choses manquent dans cet état de nature : des lois acceptées par tous ; un juge impartial ; un pouvoir dont le rôle est d’exécuter la justice. Par conséquent, « la jouissance d’un bien propre, dans cet état, est mal assurée, et ne peut être tranquille ». C’est donc la recherche de la tranquillité et de la sécurité (de leurs biens comme de leur vie) qui amène les hommes à constituer l’état de société.
Il n’existe pas de société ni de justice sans sécurité publique.
L’article 2 de la Déclaration de 1789 dispose que les droits naturels et imprescriptibles de l’Homme sont « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». Ces différents droits méritent d’être poursuivis concurremment car ils ne s’opposent pas les uns aux autres. Ainsi, dans une société démocratique, chaque citoyen a, à la fois, le droit à la liberté et le droit à la sécurité en toutes circonstances. Il appartient donc au législateur de donner pleine effectivité à ces droits.
Le besoin de sécurité est un besoin psychologique fondamental de l’homme. Comme en témoignent les nombreuses armes de pierre laissées par les premiers hommes, ceux-ci en faisaient une priorité. Les activités humaines sont perturbées, voire rendues impossibles, lorsque règne un climat de violence.
L’insécurité est de nature variée : elle peut être juridique (variation fréquente du corpus des lois, non-respect des décisions juridiques, par exemple), économique (pas de « filet » social, risque de chômage, pauvreté comme dans les pays en développement, par exemple) ou, plus concrètement, se traduire par une situation de chaos débouchant sur une multiplication des cas de violence physique (cas des États faillis en Afrique, par exemple).
S’il n’existe pas, au sens juridique des termes, « un droit fondamental à la sécurité », la sécurité se présente bien plutôt comme un devoir de l’État. La loi du 18 mars 2003 proclame que « la sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives ».
Cette notion de sécurité publique croise celle de sécurité comme exigence sociale.
Dans la Déclaration universelle de 1948, cette deuxième notion de la sécurité, comme exigence sociale, apparaît à deux reprises.
À son article 22, la Déclaration affirme que « toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale… ». Ce terme de « sécurité » doit alors être entendu dans son sens général, c’est-à-dire celui de « satisfaction des droits économiques sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité… ». Les articles suivants les énumèrent : droit au travail, à une rémunération équitable et satisfaisante de son travail, au repos et aux loisirs, à la limitation de la durée du travail et aux congés payés, à un niveau de vie suffisant, à l’éducation, etc.
De plus, à son article 25, la Déclaration universelle de 1948 énonce que chacun a « le droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance indépendants de sa volonté ».
Ainsi, dans cette Déclaration universelle, la sécurité est-elle conçue comme une exigence sociale reposant sur l’attribution de droits économiques et sociaux. Ces derniers, considérés comme étant d’une nature particulière, apparaissent nécessaires à l’« avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère », c’est-à-dire l’avènement de ce que les rédacteurs de la Déclaration universelle proclament comme « la plus haute aspiration de l’homme ».
Quel que soit le sens que l’on retiendra de la « sécurité », cette notion a aujourd’hui essaimé dans tous les champs de la vie sociale : de la sécurité juridique à la sécurité sanitaire en passant par la sécurité routière, ferroviaire, aérienne, maritime, par la sécurité de l’emploi, la sécurité publique, la sécurité nationale, la sécurité civile, la sécurité privée, la sécurité intérieure, la sécurité globale.
Sécurité intérieure, police administrative, et sécurité civile
La police judiciaire est une activité répressive qui vise à rechercher et à constater les infractions pénales. En revanche, la police administrative regroupe les opérations de prévention utilisées par l’administration pour faire respecter l’ordre public.
Les acteurs investis de pouvoirs de police administrative sont divers. Certaines autorités disposent d’un pouvoir de police administrative générale : c’est le cas au niveau national du Premier Ministre et au niveau local du préfet et du maire. D’autres autorités disposent de pouvoirs de police administrative spéciale qui ne s’appliquent que pour une seule catégorie d’administrés ou un seul type d’activité.
Les pouvoirs de police administrative se distinguent de la sécurité intérieure et de la sécurité civile. Le tableau ci-après présente, de manière synthétique, les différentes compétences et leurs répartitions entre l’Etat et les collectivités territoriales :
Cette diversité d’acteurs et cet enchevêtrement d’attributions posent des problèmes de répartition des compétences entre niveau local et national, entre police administrative générale et spéciale.
La nature du pouvoir de police décentralisés
Le maire est l’autorité de police administrative au nom de la commune. Il possède des pouvoirs de police générale lui permettant de mener des missions de sécurité publique, tranquillité publique et salubrité publique. Il exerce ses pouvoirs au nom de la commune, sous le contrôle administratif du préfet.
Le pouvoir de police administrative du maire est un pouvoir normatif qui permet au maire d’édicter des mesures réglementaires et individuelles (il ne doit pas être confondu avec les missions des services de police municipale).
Ce pouvoir de police générale inclut la police municipale, la police rurale et l’exécution des actes de l’État qui y sont relatifs.
Le président du conseil départemental exerce les pouvoirs de police afférents à la gestion du domaine du département, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine.
L’étendue géographique des pouvoirs des exécutifs territoriaux
Le pouvoir de police du maire s’exerce dans les limites suivantes :
À l’extérieur de l’agglomération, le maire n’est pas compétent pour réglementer la circulation et le stationnement sur les voies départementales et nationales :
Le caractère personnel des pouvoirs de police
Le pouvoir de police confié au maire est un pouvoir qui lui est propre, qu’il est seul à pouvoir mettre en œuvre. Il peut le déléguer à un adjoint ou à un conseiller municipal.
Le maire ne peut déléguer à une personne privée l’exercice même du pouvoir de police, notamment le pouvoir de prendre des mesures normatives (arrêtés) en matière de police ou le pouvoir de procéder au contrôle de leur respect. Il ne peut donc pas placer des forces de police sous l’autorité de personnes privées. En revanche, des services publics qui ont pour objet de fournir des moyens matériels en appui du pouvoir de police peuvent être délégués par la commune compétente (exemple : la gestion des fourrières animales, la capture et mise en fourrière des chiens errants et l’enlèvement des bêtes mortes).
Le conseil municipal ne peut pas prendre de mesures de police administrative, elles seraient entachées d’incompétence. Par exemple, une délibération du conseil municipal ne peut pas enjoindre au maire de prendre des mesures de police. Par conséquent, il n’existe pas de contrôle du conseil municipal sur le maire en sa qualité d’autorité municipale de police administrative.
Les transferts de pouvoirs de police spéciale
Le pouvoir de police générale du maire ne peut en aucun cas être transféré au président d’un EPCI. Seuls les pouvoirs de police spéciale limitativement énumérés à l’article L. 5211-9-2 du CGCT peuvent faire l’objet d’un transfert.
Par ailleurs, il y a des cas où le maire est dessaisi de certaines compétences.
Communes à police étatisée | Les communes chefs lieux de département sont placées sous le régime de la police d’État. |
Le régime de la police d’État peut également être établi dans d’autres communes en fonction de leurs besoins en matière de sécurité qui s’apprécient au regard de plusieurs critères (population permanente et saisonnière, situation de la commune dans un ensemble urbain et caractéristiques de la délinquance). Ce régime est institué par arrêté conjoint des ministres compétents lorsque la demande émane du conseil municipal ou en cas d’accord de celui-ci, par décret en Conseil d’État dans le cas contraire. | |
Dans les communes où le régime de la police d’État a été instauré, il incombe aux forces de police étatisées d’exécuter les arrêtés de police du maire. Le préfet exerce les pouvoirs de police lui permettant :
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Dans ces communes, tous les autres pouvoirs de police sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics. | |
Ville de Paris | Le pouvoir de police est partagé entre le maire et le préfet de police. |
Le préfet de police reste l’autorité principale et de droit commun en matière de police administrative générale. Il détient à titre principal la charge de faire respecter l’ordre public dans Paris et de réprimer les atteintes à la tranquillité publique. Pour ce faire, sa compétence est exclusive. | |
En matière de police administrative générale, le maire de Paris reste compétent dans les domaines suivants :
Par ailleurs, le maire est l’autorité de police de droit commun en matière de circulation et de stationnement. Il exerce également la police de la conservation du domaine public de la ville de Paris. | |
Communes des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne | Prérogatives du représentant de l’État dans le département : Il exerce la police de la voie publique sur les routes à grande circulation, y compris en matière de liberté et de sûreté ainsi que les attributions de police étatisée dans les communes où la police est étatisée. |
Sous la surveillance du préfet et sans préjudice des attributions qui leur sont conférées par les lois, les maires des communes de ces départements restent chargés de la voirie communale, de la liberté et de la sûreté de la voie publique, de l’établissement, de l’entretien et de la conservation des édifices communaux, des cimetières, promenades, places, rues et voies publiques ne dépendant pas des voiries nationales et départementales, etc. | |
Les prérogatives du préfet de police : Le secours et la défense contre l’incendie reviennent, quant à eux, au préfet de police de Paris qui peut déléguer ses compétences aux préfets des départements concernés. |